Citations de Samuel Beckett (910)
Je connaissais mal les femmes, à cette époque. Je les connais toujours mal d’ailleurs. Les hommes aussi. Les animaux aussi. Ce que je connais le moins mal, ce sont mes douleurs.
Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent...
Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut être finir. (Un temps) Les grains s'ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c'est un tas, un petit tas, l'impossible tas.
Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux.
Où irais-je, si je pouvais aller, que serais-je, si je pouvais être, que dirais-je, si j'avais une voix, qui parle ainsi, se disant moi ?
J'ai demandé certains mouvements à mes jambes, à mes pieds. Je les connais si bien que j'ai pu sentir l'effort qu'ils faisaient pour m'obéir. J'ai vécu avec eux ce petit espace de temps où tout un drame tient, entre le message reçu et la réponse désolée. Aux vieux chiens l'heure vient où, sifflés par le maître s'en allant à l'aube son bâton à la main, ils ne peuvent plus s'élancer. Alors ils restent dans la niche, ou dans le panier, quoiqu'ils ne soient pas attachés, et écoutent les pas s'éloigner. L'homme aussi est triste. Mais le grand air et le soleil ont vite fait de le consoler, il ne pense plus à son vieux compagnon, jusqu'au soir. Les lumières de sa maison lui souhaitent la bienvenue et un faible aboiement lui fait dire, Il est temps que je le fasse piquer.
Il n’était qu’humain, que fils et petit-fils d’humains. Mais entre lui et ces hommes sévères et graves, à barbe d’abord, ensuite à moustache, il y avait cette différence, que sa semence à lui n’avait jamais fait de mal à personne. Il ne tenait donc à son espèce que du côté de ses ascendants, qui tous étaient morts, en croyant s’être perpétués.
HAMM. - On n'est pas en train de... de... signifier quelque chose?
CLOV. - Signifier? Nous, signifier! (Rire bref.) Ah, elle est bonne!
La journée de Mademoiselle Carridge avait un noyau, à savoir la bonne et forte tasse de thé qu'elle prenait dans l'après-midi. Il lui arrivait parfois de s'attabler devant cet élixir avec la conviction de n'avoir rien négligé des choses qui rapportent et de n'avoir rien fait des choses qui ne rapportent pas.
Chapitre V.
Je dus m'endormir, car voilà qu'une énorme lune s'encadrait dans la fenêtre. Deux barreaux la partageaient en trois parties, dont la médiane restait constante tandis que peu à peu la droite gagnait ce que perdait la gauche. Car la lune allait de gauche à droite ou la chambre allait de droite à gauche, ou les deux à la fois peut-être, ou elles allaient toutes les deux de gauche à droite, seulement la chambre moins vite que la lune, ou de droite à gauche, seulement la lune moins vite que la chambre. Mais peut-on parler de droite et de gauche dans ces conditions ? Que des mouvements d'une grande complexité fussent en train, cela semblait certain, et cependant quelle chose simple apparemment que cette grande lumière jaune qui voguait lentement derrière mes barreaux et que mangeait peu à peu le mur opaque, jusqu'à l'éclipser. Et alors sa calme course s'inscrivait sur les murs, sous forme de clarté rayée de haut en bas et que pendant quelques instants firent trembler des feuilles, si c'était des feuilles, et qui disparut à son tour, me laissant dans l’obscurité. Qu'il est difficile de parler de la lune avec retenue ! Elle est si con la lune. Ça doit être son cul qu'elle nous montre toujours. On voit que je m'intéressait à l'astronomie, autrefois. Je ne veux pas le nier.
A qui n'a rien il est interdit de ne pas aimer la merde.
"Try again, fail again, fail better"
Il n'y a plus qu'à s'écarteler tranquillement, dans les délices de se savoir à tout jamais personne.
Voilà l'homme tout entier, s'en prenant à sa chaussure alors que c'est son pied le coupable.
Se donner du mal pour les petites choses c’est parvenir aux grandes avec le temps.
ESTRAGON (renonçant à nouveau) : Rien à faire.
VLADIMIR (s'approchant à petits pas raides, les jambes écartées) : Je commence à le croire. (Il s'immobilise.) J'ai longtemps résisté à cette pensée, en me disant, Vladimir, sois raisonnable. Tu n'as pas encore tout essayé. Et je reprenais le combat. (Il se recueille, songeant au combat. A Estragon.) Alors, te revoilà, toi.
ESTRAGON : Tu crois ?
VLADIMIR : Je suis content de te revoir. Je te croyais parti pour toujours.
ESTRAGON : Moi aussi.
VLADIMIR : Que faire pour fêter cette réunion ? (Il réfléchit.) Lève-toi que je t'embrasse. (Il tend la main à Estragon.)
ESTRAGON (avec irritation) : Tout à l'heure, tout à l'heure.
Silence.
VLADIMIR (froissé, froidement) : Peut-on savoir où monsieur a passé la nuit ?
ESTRAGON : Dans un fossé.
VLADIMIR (épaté) : Un fossé ! Où ça ?
ESTRAGON (sans geste) : Par là.
VLADIMIR : Et on ne t'a pas battu ?
ESTRAGON : Si... Pas trop.
VLADIMIR : Toujours les mêmes ?
ESTRAGON : Les mêmes ? Je ne sais pas.
CLOV. — Pourquoi cette comédie, tous les jours?
HAMM. — La routine. On ne sait jamais. (Un temps.) Cette nuit j'ai vu dans ma poitrine. Il y avait un gros bobo.
CLOV. — Tu as vu ton coeur.
HAMM. — Non, c'était vivant. (Un temps. Avec angoisse.) Clov !
CLOV. — Oui.
HAMM. — Qu'est ce qui se passe?
CLOV. — Quelque chose suit son cours.
Il n'est point besoin de votre fameux acte d'amour, si tant est que l'acte puisse jamais être d'amour ou que dans l'acte l'amour puisse survivre, pour saluer son cochon de voisin, le sourire jaune avec signe de tête en sortant le matin, le sourire vert avec signe de cul en rentrant le soir.
Chapitre X.
Considère d’autre part, puisque nous en sommes à tout nous dire, que je n’ai jamais été belle ni bien faite, mais plutôt laide et presque difforme, à en juger par les témoignages que j’ai reçus. Papa notamment me disait que j’étais foutue comme un magot, j’ai retenu l’expression. Quant à toi, mon amour, quand tu avais l’âge de faire battre plus vite le cœur des belles, en réunissais-tu les autres conditions ? J’en doute. Mais en vieillissant nous voilà devenus à peine plus hideux que nos contemporains les mieux proportionnés, et toi, en particulier, tu as gardé tes cheveux. Et pour n’avoir jamais servi, jamais compris, nous ne sommes pas sans fraîcheur ni innocence, à ce qu’il me semble. Conclusion, c’est pour nous enfin la saison des amours, profitons-en, il y a des poires qui ne mûrissent qu’en décembre.
on s'est toujours raconté n'importe quoi.... ne cherchant plus, cherchant encore, ne trouvant rien, trouvant enfin, ne trouvant plus...... sans savoir quoi, sans savoir où, où est la nature, où est l'entendement...... où sont les autres ? qui est ce qui parle, ce n'est pas moi qui parle... que je sois cela, que je crie, que je bouge, que je sorte d'ici, que je naisse, que je meure, que j'écoute..... les mots sont partout, dans moi, hors de moi.... je suis fait de mots.... où que j'aille je me retrouve, m'abandonne, vais vers moi, viens de moi.... peur du bruit, peur des bruits, bruits des bêtes, bruits des hommes, bruits du jour et de la nuit..