"Votre langue est comme une belle femme, gracieuse et souriante, qui plaît à tout le monde sans efforts, mais qui ne doit pas dire qu’elle veut plaire.» Cette phrase fut prononcée en février 1889, à la Sorbonne, par le premier écrivain chinois de langue française, le général Tcheng Ki-Tong. Le discours qu’il a tenu dans le cadre de l’Alliance française pourrait constituer le geste fondateur de la francophonie chinoise : y sont déjà présentes une admiration mutuelle et une méfiance ironique qui réapparaîtront tout au long du XXème siècle parmi les Chinois qui, à un moment ou à un autre, ont choisi le français comme moyen d’expression. Dans la rhétorique de TchengKi-Tong, l’ambivalence est élevée au rang d’œuvre d’art, tant le désir collectif de venger la Chine des humiliations causées par les Européens se conjugue à l’ambition individuelle d’incarner le réalisme transculturel, c’est-à-dire d’adapter les formes narratives occidentales aux mœurs et aux histoires chinoises.