Citations de Rosa Maria Unda Souki (18)
À un moment donné, j'ai levé les yeux. Qui aurait cru qu'un hôtel puisse s'appeler hôtel du Grand Amour en pleine rue de la Fidélité, pas loin du passage du Désir, après la rue Dieu.
Frida. Frida Kahlo. Magdalena Frida Carmen Kahlo Calderón. À moins que vous ne préfériez l’appeler Friducha, Friduchín, Señora de Rivera, Fisita, Chicua, la Niña Frida ou Frieda. Peut-être est-ce la curiosité qui vous a poussé à ouvrir ce livre, la soif inextinguible d’en savoir toujours plus sur elle. C’est la même soif qui m’a menée pendant plus de cinq ans à me replonger dans son œuvre, à éplucher les archives, les photos, les correspondances, les carnets et tous les livres qui lui ont été consacrés, en quête du moindre détail qui me l’aurait rendue plus proche. Mais c’est à travers sa maison que je l’ai retrouvée sur un mode plus intime.
J’ai pris mes pinceaux, et je me suis mise à peindre son histoire, sa mémoire, sa maison. Une centaine de tableaux et dessins pour ressusciter les odeurs, les couleurs, les sons, les rythmes, les présences, toute la matière de sa vie, de la vie.
Non, je ne pense pas qu'elle se « détendait » en peignant. Et moi non plus. Lorsque j'ai peint ces tableaux, je me trouvais dans un isolement profond. Mon seul endroit à moi était la peinture, ce n'était jamais un lieu paisible mais celui d'une lutte constante. Une lutte contre moi-même, contre tous et contre tout.
Décidément, l'eau de la piscine me ferait du bien, faute de mieux.
Elle disait qu'une vie parfaite consiste à prendre des bains et à faire l'amour. Bien résumé ! Mais moi, ça fait des mois que je n'ai pas fait l'amour, sans parler de tomber amoureuse.
Quelqu'un m'a dit que l'âme met sept jours à rejoindre l'endroit où le corps atterrit. Mais je n'ai pas le temps. J'ai besoin de mon âme, ici et maintenant.
Après le drame de l'autobus, l'autre accident de sa vie, disait-elle, c'était Diego. On a tous eu des Diego... Vient ensuite la tâche ardue de se reconstruire. Ramasser les miettes de soi-même, faire des petits mouvements pour retrouver sa dignité. Prendre un bain, se faire une tasse de thé, choisir un livre et faire semblant de lire. S'habiller, sortir, regarder son téléphone, l'éteindre. Allumer une cigarette, contempler l'horizon. Rallumer son téléphone, l'éteindre à nouveau. Entrer dans un restaurant. L'écho d'une parole, d'une main, d'un visage. Recommencer à respirer, se remettre en marche, rentrer chez soi. Regarder par la fenêtre jusqu'à ce que la nuit tombe et s'endormir en se demandant si on arrivera à oublier, ou si c'est nous qui avons été oubliés.
J’ai toujours voulu écrire une ode à la cigarette, ce petit démon minuscule qui nous sauve et nous pousse vers tant de choses comme il en entrave d’autres, et qui nous empoisonne tout en feignant de nous donner de la vitalité.
Il y avait là trois hamacs, pour mon frère, mon père et moi, dans lesquels nous nous balancions gaiement en chantant, en racontant des histoires, jusqu'à nous endormir au milieu des lucioles échappées de la rivière qui coulait derrière la maison.
J'ai l'impression de sentir encore toutes les odeurs de notre maison de Guama, le bruissement du vent dans les fougères, nos rires, la musique de la pluie ; mais je n'ai pas oublié non plus l'écho de ses mystères... Si cette maison était belle, elle pouvait parfois être terrible.
Si cette maison était belle, elle pouvait parfois être terrible. C'était un paradis, mais aussi une prison, une forteresse. Mon père possédait-il cette maison, ou était-ce l'inverse ? On ne sait pas toujours qu'on est prisonnier.
Comme si ma vie pouvait tenir en cinq valises de vingt-trois kilos… Ma vie, non qu’elle soit plus importante qu’une autre, mais c’est la seule que j’ai.
Le courage. Dans la vie, voilà une chose indispensable. Moi, j'aime ce mot, et particulièrement la manière dont les Mexicains l'emploient. J'ai l'impression que pour eux le courage n'est pas seulement lié à la bravoure, mais aussi à la révolte et à l'indignation.
Une fois la représentation terminée, les applaudissements euphoriques de la tante s'étaient changés en sanglots. Un peu comme mon père, dont les larmes coulaient discrètement même en écoutant la plus joyeuse des chansons. Des moments de bonheur, qui rendent encore plus aiguë la fugacité de la vie.
Tandis qu’au Venezuela les homicides passaient pour des suicides et les suicides pour des actes de folie, moi je mélangeais mon « rouge antique » au « caput mortem ».
Le premier dessin, je l’avais fait après que la Loi d’expropriation décrétée par Chávez menaçait de reprendre à mon père les terres et la maison. Le Venezuela commençait à brûler et il brûle toujours…
Et dire qu’avec les milliers de photos qu’on a d’elle, il faut encore se coltiner des T-shirts et des mugs estampillés de l’oiseau aux ailes dépliées que dessinaient ses sourcils. La vulgarité à son comble. Ça me retourne l’estomac.
J’ai passé cinq ans à agir avec une conviction immense, dans une solitude tout aussi immense. Pourquoi ? Les fous sont irrémédiablement innocents.
C’est en regardant à travers soi-même qu’on entre en contact avec l’inconnu pour y découvrir avec émerveillement qu’il y a quelque chose de soi dans ce que l’on voit, et qu’il y a en soi-même quelque chose de ce que l’on voit.