- [...] Je suppose que les humains sont les seuls créatures qui protègent ainsi tout ce qu’elles possèdent.
- Tu te trompes.
- Les animaux ne dressent pas de barrière.
- Mais si. Au printemps, un rouge-gorge femelle ne volera vers un mâle que s’il possède un territoire dans les bois. Il faut qu’il le protège.
- Tiens, je ne savais pas ça.
- Sais-tu ce que dit le rouge-gorge quand tu l’entends chanter ? « Cet arbre est mon domaine. Défense d’approcher. » Ce chant est sa barrière.
- Ça alors !
J’avais faim, et le seul fait d’avoir à manger m’inondait le cœur de reconnaissance. Pour la première fois de ma vie, j’avais envie de remercier le ciel pour un repas, pour le simple fait d’avoir quelque chose à me mettre sous la dent…
« Une histoire de comment-fonctionne-le-corps. » Alors, il me parlait du cœur, par exemple. Du cœur qui n’est jamais qu’un muscle, un muscle particulièrement dur. Dur, parce qu’il travaille sans relâche, comme une pompe infatigable. Il me parlait des poumons – des sortes de pompes, eux aussi. Et puis de notre sang – un réseau d’approvisionnement – et de notre estomac – une usine à traiter les aliments. Il y avait encore les intestins – un réseau de plomberie, en quelque sorte.
La colère, ça ne sert absolument à rien. Par contre, une tête, c’est bien utile – à condition de la garder sur les épaules.
Les bêtes n’ont pas toutes les mêmes réactions, tu sais. Il y en a qui ont de la mémoire, et d’autres qui oublient tout à la minute.
C’est quand le travail est terminé qu’on s’arrête. Et pas avant. Ce n’est pas à la fatigue que se mesure le travail. Ce qui compte, c’est ce qui est fait. C’est tout.
Elle le renifla. Pour la première fois, son nez respira l'odeur de son chaton, et elle comprit que ce petit morceau de vie ne faisait plus partie d'elle, mais que, pourtant, il lui appartenait. Tout entier.
Le matin du septième jour, la chate bigarrée ouvrit les yeux pour la première fois de sa vie. Tout ce qu'elle distingua dans l'obscurité, ce fut quelque chose de grand, aux contours flous, doux et chaud au contact, qui offrait à la fois de la nourriture et du confort. Elle venait de découvrir sa mère.
Chacun a ses droits. Et chacun a, qui plus est, le devoir de les défendre, ces fameux droits. Parce que, dis-toi bien, si on n'y met pas un peu du sien, ils ont une fâcheuse tendance à fondre et à tourner à rien, les droits. Quand l'hiver n'est pas assez rude, la glace redevient eau.
Nous remplacions un poteau de la clôture qui séparait le terrain de Mr. Tanner du nôtre.
- C’est drôle qu’il y ait des clôtures, tu ne trouves pas ? dis-je soudain.
- Pourquoi ?
- Eh bien, vous êtes amis, Mr. Tanner et toi. Voisins et tout. Pourtant, nous maintenons cette barrière comme si c’était la guerre. [...]
- C’est une guerre pacifique. Tel que je connais Benjamin Tanner, il se fera plus de mauvais sang que moi si ses vaches viennent brouter mon maïs en herbe. Il sera plus embêté que si c’était le contraire.
- C’est un bon voisin, papa.
- Et, comme moi, il veut une clôture entre nous. Il sait bien qu’une clôture unit les hommes et ne les sépare pas.
- Je n’avais jamais vu les choses de cette façon.
- Il est temps de le faire.