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Citation de Erveine


La passion du fourrage était logée dans une crèche de marbre pleine de la meilleure avoine, dans un râtelier plein de foin vert, avec le grincement des licous dans les anneaux ; elle était condensée dans l’odeur du pain de l’étable chaude, dans ce parfum épicé, insinuant, que traversait comme des aiguilles, fortement chargé d’ammoniaque, le sentiment du Moi, proclamant : « Il y a des chevaux ici ! » Il devait en être autrement de la course. Car la pauvre âme est encore unie au troupeau dans lequel un mouvement, venu on ne sait d’où, gagne soudain l’étalon de tête, ou toutes les autres bêtes, et la troupe galope contre le vent et le soleil ; souvent, lorsque la bête est seule et que les quatre directions de l’espace lui sont ouvertes, un frémissement démentiel court dans son crâne, elle fonce sans but, elle se jette dans une liberté épouvantable qui n’a de contenu ni dans une direction ni dans l’autre, jusqu’à ce qu’enfin, perplexe, elle s’arrête, et il suffit d’un picotin d’avoine pour la ramener à l’écurie. Pepi et Hans avaient l’habitude de l’attelage ; ils allongeaient le pas, battant de leurs sabots la rue ensoleillée entre ses barrières de maisons ; les hommes n’étaient pour eux qu’une confusion grisâtre dont ils ne tiraient ni plaisir ni effroi ; les étalages bariolés des magasins, les femmes brillant de toutes leurs couleurs : fragments de prairie où l’on ne peut brouter ; les chapeaux, les cravates, les livres, les brillants le long de la rue : un désert. Il ne s’en détachait que deux îlots de rêve, l’étable et la course ; de loin en loin, Hans et Pepi s’effrayaient d’une ombre, en rêve ou comme par jeu, ils se jetaient contre les brancards, se faisaient corriger d’un coup de fouet puis s’abandonnaient de nouveau, avec reconnaissance, au mors. (p.247)
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