Payot - Marque Page - Rin Usami - Idol
Je voulais me délester de mon corps, de mon argent, de mon temps, de tout ce que je possédais pour le fourrer quelque part. Avec l’impression que cela me purifiait. À force de la nourrir de ce que j’avais obtenu en échange de la douleur, je trouverais la valeur de mon existence.
J’ai du mal à faire les gestes du quotidien que maîtrise tout le monde, et j’en souffre beaucoup. Soutenir mon idol était le centre absolu de ma vie, la seule chose dont je ne doutais pas. Le centre de ma vie ? Peut-être plutôt ma colonne vertébrale.
Peut-être qu'une maison peut vieillir peu à peu, moisir sous la poussière qui s'accumule, à cause de l'agglutination du bruit des chaises tirées vivement et des portes claquées, de la chute continue des mots qui sortent des dents qui grincent.
Je suis rentrée. La réalité que j'y ai trouvée, c'était, éparpillés sur le sol, des vêtements, des chouchous, un chargeur, des sacs en plastique, des boîtes de mouchoirs vides, un sac renversé. Rien d'autre. Pourquoi suis-je incapable de vivre normalement ? De vivre comme tout le monde arrive à le faire. Je n'avais pas décidé de laisser le chaos et la destruction s'installer. Je vivais ici, et c'était devenu un dépotoir. Je vivais, et ma famille avait été détruite.
- Mais tu est forte, Akari. De continuer à venir.
- Tu as dit que je suis forte de continuer à venir ?
- Oui.
- J'ai entendu, "de continuer à vivre".
Elle a ri comme si elle toussait, et à ajouté que c'était vrai aussi.
- Parce que être fan d'un idol, c'est une question de vie ou de mort.
Tout comme le sommeil froisse les draps, la vie creuse des rides. Nous utilisons les muscles faciaux pour parler, nous prenons des bains pour nous débarrasser des peaux mortes, nous coupons nos ongles qui ont poussé.
Plongée dans le bain, j'ai regardé mon téléphone. Où que je sois, je ne suis bien que si mon idol est avec moi. Ces derniers jours, j'avais même l'impression que le rectangle de mon téléphone était ma vraie chambre.
Je n’ai jamais réussi à faire le minimum même en y consacrant toute mon énergie. Mes pensées et mon corps ne suivent plus avant que j’y arrive. [..] Le nom attribué à la pesanteur de mon corps a commencé par me soulager avant de me peser et de me donner l’impression que je pendouillais de partout. Je n’échappais à cette pesanteur qu’en soutenant mon idol.
Le caractère pour 1 n'a qu'un seul trait,2 en a deux, 3 en a trois, et je ne comprenais pas pourquoi il en fallait cinq pour 4 et quatre pour 5. La maîtresse nous a dit qu'à force de les écrire, nous les saurions. J'ai obéi, mais je me souviens que je ne comprenais pas pourquoi tout le monde sauf moi y arrivait.