Au fond du couloir, il y a le cagibi. Une pièce étroite, meublée de manière disparate. Meubles de récupération. Ici, on ne jette pas. Quand on change un meuble, l'ancien a une seconde vie... dans le cagibi.
J'aimais ce mot, il rimait avec biribi, c'est ainsi que ma grand-mère nommait le dé.
C'est un lieu qui me fut longtemps interdit. Je compris plus tard qu'il regorgeait de nourritures terrestres et intellectuelles. Le stock de confitures de ma grand-mère et le stock de livres de mon grand-père. Contrairement aux livres en exposition dans la salle, ceux-ci étaient en moins bon état, moins présentables, peut-être aussi. Ces livres, ma grand-mère les tolérait dans les mains de mon grand-père, mais pas à la vue de tout le monde.
Le lycée avait été construit, il y a mille ans au moins. A tel point qu'on ne pouvait pas y accueillir les handicapés. Ceux qui étaient en fauteuil, j'entends. Les déficients mentaux, on en trouvait à la pelle !
Des escaliers partout : Sans doute pour nous forcer à faire de l'exercice, comme dans les pubs à la télé... Pas pour moi, merci : je n'était ni trop gras, ni trop sucré, ni trop salé !
Au fond du bistrot, un petit coin tranquille. A peine éclairé. Pour les marins d'ailleurs... Une femme à l'écoute... Elle, elle n'a pas de marin. Elle peut bien écouter les histoires des autres. Les histoires tournées à l'avantage de l'homme au bonnet de laine...
Elle en a entendues des excuses tordues, des Dieux non reconnus et des femmes adultères. Elle parlait toutes les langues, y compris le silence. Elle lisait dans les pensées et libérait les mots. Puis, quand le temps réservé touchait à sa fin, elle attendait finances.
Elle n'offrait pas son corps. Elle ne le vendait pas non plus. Elle n'offrait pas son cœur. Elle vendait ses oreilles. Son âme était vendue bien avant qu'elle soit femme. Son regard était creux. Cette femme avait un âge qui ne se voyait plus. Son pouvoir était ailleurs. Elle susurrait tant de choses que celles-ci s'entrechoquaient, se confondaient en une alchimie troublante.
Un homme qui rentre en bateau fantôme, n'est qu'une moitié d'homme. Comme il n'était pas d'ici, il n'était plus grand chose...
Le sourire de Monsieur Smith commençait à trembler. Comme un muscle que l'on a trop sollicité... La nervosité mêlée à la fatigue faisait un cocktail euphorisant. Il tiendrait pourtant jusqu'au soir ! Encore une dizaine d'heures à caresser dans le sens du poil...
Le rire du fou m'a réveillé :
Personne !
A peine une ombre et de la sueur...