À chaque fois que la vindicte médiatique s’en prend à une personnalité publique, il demeure difficile de démêler ce qui émane de la critique objective et factuelle du simple acharnement relevant de la haine subjective et de la surinterprétation des faits. Ces dernières années, les relectures non historiques, où la recherche de vérité est relayée au second rang, se déploient – dans la presse et les réseaux sociaux – avec une incroyable vivacité et une redoutable ténacité. Nous pourrions évoquer pêle-mêle les polémiques qui ont frappé Jean-Paul Sartre ou Henri Dutilleux, et bien évidemment celle qui frappa avec une rare violence Le Corbusier, entre 2015 et 2016, et qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi Le Corbusier ? […]
L’objet de cette publication est de restituer le fait historique. Le travail de l’historien ne peut se satisfaire d’artifices, de butinages de citations tronquées et assemblées plus ou moins adroitement, pas plus qu’il ne peut se contenter d’assister à une chasse aux sorcières, ni au saccage de la statue du commandeur, au nom d’un dogme flou ou d’une condamnation arbitraire. Il s’agit donc de restituer pleinement les faits dans leur complexité, quand bien même cette dernière ne pourrait déboucher sur des jugements hâtifs et sans discernement…
L’un des tours de force de Le Corbusier aura été d’apparaître comme le héraut par excellence de la modernité tout en demeurant une figure relativement singulière et par moments isolée au sein du mouvement moderne. La qualité de ses projets, mais aussi son talent de polémiste y sont pour beaucoup. Un concepteur comme Walter Gropius, le principal animateur du Bauhaus, a beau apparaître à certains égards comme plus central, il n’a pas su capter la lumière de manière aussi efficace que Le Corbusier. Cette différence de notoriété s’avère encore plus prononcée dans le cas d’autres acteurs majeurs du mouvement moderne en architecture et en urbanisme, de Marcel Breuer à André Lurçat.
Du même coup, dans le procès intenté à Le Corbusier concernant ses inclinations et ses sympathies politiques à l’occasion du cinquantenaire de sa mort en 2015, la question plus générale de la modernité architecturale et urbaine n’est jamais très loin. Bien sûr, l’itinéraire personnel de l’architecte, les ambiguïtés de certaines de ses déclarations au cours de l’entre-deux-guerres et pendant la période de Vichy, les compromissions qu’il a acceptées viennent nourrir le débat.
Le M'Zab (...) cette quintessence de l'architecture la plus pure