Citations de Raymond Federman (20)
Je ne fais aucune distinction entre ce qui m'est vraiment arrivé dans la vie et ce que je me suis imaginé m'être arrivé.
"Ce n'est pas la mort qui nous effraie, c'est la peur de la mort."
"Ce n'est
pas
la mort
qui nous effraie
c'est
la peur
de
la mort"
(poème "La peur")
Savez-vous pourquoi les gens ont peur de regarder leurs cicatrices? Et encore plus, peur de les toucher? C'est parce que c'est l'endroit de notre corps où notre âme s'est débattue pour sortir, mais on l'a repoussée dedans et recousu la fente où elle avait essayé de s'échapper.
personne
n’était
en
mesure
de
se
souvenir
du
dernier
soubresaut
de
la
queue
personne
n’était
en
mesure
de
dire
où
la
queue
menait
mais
de
toute
manière
les
gens
attendaient
leur
tour
calmement
patiemment
il
régnait
une
constante
bonne
humeur
dans
la
queue
à
laquelle
se
joignaient
de
plus
en
plus
de
gens
D'après Nietzsche, il existe beaucoup plus de langages que d'auditeurs. Si bien que l'homme ne fait pour ainsi dire que bavarder dans le vide quand il se répand en confessions et finit par gaspiller ses "vérités", comme le soleil sa lumière. Comme Nietzsche, on peut regretter que le vide n'ait pas d'oreilles. C'est sans doute pour cela que je m'invente des doubles ou des triples, pour que quelqu'un écoute mes histoires.
J'aimerais pouvoir en dire plus sur mes soeurs, mais c'est tout ce qui me reste d'elles. Cette photo, et ce jour qui nous a tellement marqués.
Peut-être que le foetus recroquevillé dans ce placard aurait dû y rester à palpiter dans le noir pour toujours afin de contourner la mortalité. Et pourtant, il fallait que ce foetus émerge de son berceau-tombeau, sinon il n'aurait jamais appris l'énergie qui vient du désespoir et l'ingénuité qu'engendre la nécessité.
Eh bien moi je leur dirai, vous vous gourez, c'est de la fiction pure que je vous raconte, parce que toute mon enfance, je l'ai complètement oubliée. Elle a été bloquée en moi. Donc tout ce que je vous dis, c'est inventé, c'est de la reconstruction. Et puisque tout ce qui s'écrit est fictif, comme l'a dit Mallarmé, ce que je suis en train d'écrire, c'est de la fiction.
et quand j'ai regardé dans le ciel un jour j'ai trouvé la réponse dans un vieux sac de linge sale
la lune a écarté ses jambes
et c'est alors que j'ai commencé à faire de la poésie sans virgule
L’INCONVÉNIENT D’ÊTRE NÉ
pense
juste
un
instant
comme
le monde
serait différent
si
on venait
à lui
en riant
au lieu
de
pleurer
![](/couv/sm_cvt_Mon-corps-en-neuf-parties-avec-quatre-supplements_6267.jpg)
Ah s'il m'a fait souffrir mon nez depuis le moment sublime et mystérieux dans le ventre de ma mère quand il a été dessiné par sa respiration.
Ah si on l'a insulté mon nez. S'il en a pris des coups dans le nez mon nez, des coups directs et des coups indirects.
Tout le monde me dit que mon nez est de travers. Qu'il est tordu. Moi quand je regarde mon nez dans le miroir je le vois tout droit. Bon j'admets qu'il est grand mon nez, mais ça c'est inévitable. C'est historique. Même ma mère n'y pouvait rien. C'était pré-déterminé par des siècles et des siècles d'insultes, de souffrances et d'humiliations, que ma race a dû se prendre dans le nez. Un nez Juif, c'est une tragédie.
Il se peut cependant que mon nez est grand et tordu comme ça afin de protéger le reste de mon corps. C'est lui mon nez qui souffre pour moi. C'est lui qui prend tout dans le nez. Mais lui mon nez eh bien il s'en fout qu'on l'insulte en l'appelant toutes sortes de noms dérogatoires comme Pif ou Blair ou Piment ou Tarin ou Tarbouif ou Bourrin ou Schnaze ou même Pifomètre. Ou tout ce qu'on veut.
Mon nez il est costaud, he can take it. Mon nez, pour moi, c'est un monument topologique à la mémoire de ceux qui sont morts à cause de leur nez.
"chaque être humain
est une erreur chancelante
coincée entre des cris désespérés et le silence
chaque être humain
est le champ de bataille
d'une manifestation permanente
contre la prison de son propre corps [...]
(extrait du poème "Le plaisir de la fausseté")
- Il faut reconnaître ça aux Français. Ils savent mettre leur pays en valeur. Les arbres, les ruisseaux, les champs, les forts, les prés, les vaches dans les prés, les maisons de ferme, les châteaux du Moyen Âge en ruine, les vieilles églises, tout est si bien à sa place. C'est vraiment agréable de rouler en voiture par des endroits comme ceux-là. Ça donne envie de déclamer de la poésie romantique.
Ô temps ! Suspends ton vol ; et vous heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
[...]
- Qui a écrit ces vers ?
- Lamartine. Un poète romantique français complètement moribond dans le genre. Est-ce que t'as lu Les Méditations de Lamartine ? C'est à mourir de rire, ces putains de pleurnichement.
Ils jouent au docteur. Raymond est le médecin et il examine l'anatomie de sa petite soeur. Tous les deux rient de bon coeur. Jacqueline a sept ans. Raymond neuf.
Après quelques minutes, le voilà qui revient avec un grand registre vert, très poussiéreux aussi. Je crois reconnaître celui dans lequel j'avais inscrit ma signature le jour de la remise des prix.
La grande ironie, c'est que mes parents et mes soeurs seraient peut-être morts fusillés à Argentan en tant que collaborateurs, et non pas dans les camps de concentration en tant que juifs.
Pour aller à Montrouge à pied de la porte d'Orléans, c'était dix minutes de marche à travers la zone. Les gens se mettaient en groupe. Cinq ou six personnes qui marchaient ensemble pour se protéger parce qu'ils avaient la trouille de se faire attaquer par les Sidis.
Et c'est ainsi que, doucement, du bout des doigts, conscient déjà que sa tuberculose allait bientôt le tuer ou qu'une impardonnable énormité l'effacerait de l'Histoire, mon père essayait de me communiquer son ardent désir d'absolu.
D'après Nietzsche, il existe beaucoup plus de langages que d'auditeurs. Si bien que l'homme ne fait pour ainsi dire que bavarder dans le vide quand il se répand en confessions et finit par gaspiller ses "vérités", comme le soleil sa lumière. Comme Nietzsche, on peut regretter que le vide n'ait pas d'oreilles. C'est sans doute pour cela que je m'invente des doubles ou des triples, pour que quelqu'un écoute mes histoires.