Conférence intitulée "Écrire comme forme de la prière", faite à Montréal en 2010 dans le cadre du colloque colloque Sacrifiction organisé par Pierre Ouellet.
Le texte de la conférence est ici : http://parolesdesjours.free.fr/sacrifiction.pdf
Commence
par naître : tu as
tout le temps de
mourir...
regarde la mer dans la
goutte d'eau qu'elle laisse au creux de
ta main quand tu l'y plonges pour te ra-
fraîchir:
tu vois la trans-
parence dont les noyés sont re-
couverts comme d'une larme plus grosse que
leur peine... qui leur sert de
linceul
mes morts n'ont pas
de noms ou les por-
tent tous : je les appelle
Qui va là mais ils ne ré-
pondent pas.
je sais
enfin qu'ils sont morts pour
de bon
Vivre de la même manière que les autres, c’est là où se trouve la vraie vie, sa splendeur et sa platitude. C’est là que j’aimerais vivre. Il me semble que j’y serais heureux avec ce devoir obsédant de boucler les fins de mois qui vous accapare l’esprit. J’aimerais ça vivre ça, moi. Le vivre tout de suite.
mémoire
à bout de souffle :
bâillon qui se noue
au cœur
le silence où tu
retombes avec la nuit
sur le jour
— tu ne parles
qu’à ceux qui lisent
sur tes lèvres
le signe
jamais donné
d’anciens baisers que l’on t’enlève
— pensées volées
[...] j’étais un enfant normal, un enfant qui rêvait de bâtir une cabane dans un arbre comme bien des enfants en ont rêvé. Je crois que le moule était bon. Pourquoi s’est-il brisé?
l’accent du chant
sur le moindre mot
ouvre la bouche
sur les silences du cœur
c’est dans
ses yeux que montrent
— d’heure
en heure — les grandes
marées de l’épanchement
retenues là —
larmes de fond
au bord de l’œil —
derrière les digues de la peur :
les bras croisés sur le regard
la vérité dort
à l’ombre des voix
venues au monde
par les yeux : la source
d’en-bas
comme vont au bois
les promeneurs d’âmes
que leur ombre égare
au milieu du jour
le cœur étourdi
d’avoir en vain
fait le tour
de ses rêves
— jusqu’au matin
on se réveille
dans ses restes
un peu de fièvre
glaciale comme l’aube
à la place du cœur
L'ombre de Dieu sinon Dieu lui-même représentent l'unique support d'un tel phénomène, le seul média qui ne soit ni message ni canal mais assure à tout moment la médiation entre l'impossible et le tout-puissant, autre façon de définir l'art en l'absence du divin dont il perpétue la mémoire.
la terre regarde le ciel
seulement : c’est son
miroir
— tu changes
les mots en choses :
ricochet contre
les reflets où la terre
se mue en chimères —
face
cachée du vent
où l’être passe
son temps
tu toucheras l’air
que prend le réel
dans tes miroitements