Les arts du feu ont quelque chose de fantastique et d'enchanté. Enfoui au secret de son atelier, l'émailleur déchiffre les formules mystérieuses, qui se transmirent de père en fils. Son pouvoir magique a dompté la flamme; il est semblable à l'alchimiste : par lui, quelques parcelles de poudre blanche ou colorée vont se transmuer en couleurs éclatantes et impérissables.
C'est à l'abbaye de Grandmont qu'on attribue d'ordinaire la place prépondérante dans l'histoire de l'émaillerie médiévale. Cette opinion se fonde simplement sur les richesses décrites par les inventaires, car aucun texte, à la différence de Conques, n'affirme que le monastère ait jamais possédé un atelier d'orfèvrerie.
Enfin le groupe de Champagne rappelle un trait essentiel de riiisloire économique du moyen âge : les foires de Champagne. A ces grandes foires de la chrétienté, qui se tenaient à Lagny, Provins, Bar-sur-Aube et ïroyes, où se rencontraient les produits des Flandres avec ceux d'Italie, ceux de la Seine avec ceux du Rhin, les marchands de Limoges avait naturellement leur place. Ces foires jouaient le rôle de nos expositions universelles. C'est là que se consacraient les renommées ; le triomphe de l'œuvre de Limoges sur les marchés champenois assura sa gloire européenne. Grâce à eux, l'émaillerie limousine se substitua au XIIIe siècle, dans le nord de la France, à l'émaillerie de la Moselle ou du Rhin.
Les objets réunis sous le nom d'émaux utilisent donc une même matière, mais pour une fin et par des procédés différents. Cette matière offre d'ailleurs des caractères assez tranchés pour que son emploi ait constitué un art original.