Mme Grinche éclate de rire. Vous connaissez l'expression « rire comme un sac de noix qui descend du troisième » ? (p. 70)
M. Grinche se réveille, la tête au pied du lit et les pieds sur l'oreiller. Il ne comprend pas qu'il s'est tout simplement couché à l'envers la veille au soir, alors il pense que quelqu'un a retourné sa chambre pendant la nuit. Et qui pourrait bien avoir fait une chose pareille ? Mme Grinche, sa femme, évidemment. (p. 5)
En général, les Grinche préparent le petit déjeuner avec les bestioles qu'ils trouvent écrabouillées sur la route. Les écureuils écrasés sont leur plat préféré, mais même les vieux pneus n'ont pas si mauvais goût si l'on y ajoute assez de sel et de poivre.
Il y a bien des raisons pour lesquelles Lord Bigg n'aime pas les enfants. D'abord, ils coutent de l'argent. Il faut les nourrir, les habiller, et peut-être même leur donner une éducation. Et puis, ils ne se conduisent pas comme des adultes.
- C'est pourquoi nous avons décidé de t'envoyer habiter chez le Fol Oncle Jack.
- Je ne savais pas que j'avais un Fol Oncle Jack, souffla Eddie.
Il n'avait jamais entendu parler de lui, mais cela avait l'air d'un parent qu'on est content d'avoir.
- Je n'ai pas dit ton Fol Oncle Jack. C'est mon Fol Oncle Jack à moi. Tâche donc d'écouter, bon sang! il s'agit donc de ton grand-oncle.
-Ah, dit Eddie, déçu. C'est Fol Grand-Oncle Jack, alors.
Puis il se rendit compte qu'il ne le connaissait pas non plus et qu'il avait l'air tout aussi intéressant que le premier.
- Quand vais-je le voir?
- Il est dans la penderie, dit la mère en montrant du doigt l'énorme meuble bleu au pied du lit, au cas où son fils aurait oublié à quoi ressemble une penderie.
Eddie Dickens ouvrit la porte, avec précaution. (On n'était pas trop de deux pour ouvre une porte aussi lourde.)
À l'intérieur, au milieu des robes de sa mère, se tenait un homme très très très grand et très, très, très maigre, avec un nez à côté duquel le bec d'un perroquet n'aurait pas eu l'air crochu.
Les choses commencèrent à tourner vraiment mal pour Eddie dès lors que l'acteur-directeur, M.Pumblesnook, les eut rejoints, lui et la Folle Tante Maud- sans oublier Malcom, la fouine empaillée- dans la voiture.
Qui pourrait oublier Malcom? Pas Eddie, en tout cas, qui avait le museau de l'animal enfoncé dans l'oreille.
- Pourquoi faut-il que nous nous serrions tous ainsi? demanda-t-il, toujours en colère contre M. Pumblesnook de s'être fait passer pour un bandit et d'avoir braqué un revolver sur lui. L'un de nous ne pourrait-il pas s'asseoir sur l'autre banquette?
La question semblait légitime, car tous trois (plus la fouine) étaient assis les uns contre les autres sur la même banquette, alors que celle d'en face était inoccupée, c'est-à-dire vide.
- C'est moi qui dis qui s'assoit où, et je dis que nous devons nous asseoir ainsi! fulmina la Folle Tante Maud.
(...)
- Mais c'est ridicule! protesta Eddie, qui devait à présent supporter le coude de sa grand-tante dans les côtes en plus de la fouine dans l'oreille.
Quand Eddie Dickens monta dans la voiture fermée du Fol oncle Jack, il s'aperçut qu'il y avait déjà quelqu'un à l'intérieur. Au bout de la banquette, une vieille femme caressait une fouine.
- Tu dois être Malcolm, dit-elle, d'une voix râpeuse comme une râpe à fromage.
- Non, madame, dit Eddie. Je m'appelle Edmond.
-Je parlais à la fouine! grogna-t-elle en ramenant l'animal contre elle.
Fixant celui-ci du regard, elle reprit:
- Eh bien?
La fouine se tint coite (la façon de l'époque de dire "silencieuse"). Pas même une contraction du museau ou un clignement d'yeux. La femme prit l'animal par la queue et le souleva légèrement. Il était raide comme un bout de bois.
- Tu es Malcolm, oui ou non?
C'est à peu près à ce moment-là qu'Eddie Dickens comprit que la femme devait être complètement folle et l'animal complètement empaillé. Il prit la banquette d'en face.
- Remets cette banquette en place! hurla la femme, et Eddie obéit, se contentant de s'asseoir.
-Voici le commissaire, dit le subalterne.
-Je suis le commissaire, confirma le commissaire.
-Le commissaire voudrait vous poser quelques questions, dit le premier.
-Je voudrais vous poser quelques questions, confirma le second.
La plupart des jeunes filles et des femmes qu'Eddie avait rencontrées jusqu'alors portaient des robes dont l'audace des couleurs se limitait au gris ou au noir, éventuellement au noir grisâtre. Sans compter que ces robes commençaient juste au-dessus du menton et se terminaient par terre. Eddie avait dû attendre l'âge de neuf ans avant de s'apercevoir que sa mère avait bel et bien des jambes.
Une chose était sûre: lorsqu'elle s'en donnait la peine, cette femme-là savait faire en sorte qu'un plat n'avait pas l'air appétissant.