C'était dans le blues que les Noirs retrouvaient la misère des plantations et la prospérité des grands centres où les conditions d'existence de l'homme de couleur restaient aussi navrantes. C'était dans le blues qu'ils retrouvaient les révoltes nées de la misère, les grandes migrations, la violence et l'amertume, les larmes et le bonheur de leur race.
Dans le blues, tout un peuple, inadapté, indésirable, trouvait la sécurité, l'unité, la force qu'il désirait tant.
Le blues s'est développé en même temps que la société noire en Amérique. Il est né du drame d'un groupe , isolé par la couleur de sa peau, et néanmoins forcé de s'adapter à une société qui lui refuse l'intégration totale.
Ses racines plongent dans le terrain fertile des negro spirituals, des "rags" joués au banjo et à la guitare, des ballades chantées par les montagnards, des chants du travail et surtout des "field hollers".
Les années de migrations massives furent la belle époque du blues. C'est en grande partie sans doute parce que les noirs menaient une vie nomade que ces chants se sont répandus de façon si remarquable.
Toute musique populaire reflète les conditions d'existence du groupe qui l'a crée. Il ne faut donc pas s'étonner de retrouver dans les blues tant d'images de la vie errante des Noirs. Ils donnent un aperçu de ce que doit être l'état d'esprit d'un vagabond, d'un indésirable confondu dans le troupeau des indésirables.