Il entendit des cris...un choc métallique. La cavalerie de Stanley taillait sa troupe en pièces. "Trahison !" criait-il entre deux coups de hache comme pour résumer en un mot la malédiction de sa vie. Aucun de ses hommes ne se trouvait plus à son côté. Il affrontait seul un bouquet de lances et d'épées aux coups desquelles il était insensible. Et pourtant, sur son heaume, en dépit de la poussière et des éclairs de l'acier, brillait toujours le cercle d'or de sa couronne. "Trahison !" hurlait-il en faisant tournoyer sa hache.
Une dizaine d'armes transpercèrent son armure. Seul au milieu de ses ennemis, il tomba sans vie sur le sol, laissant son royaume et sa renommée entre les mains d'Henry Tudor.
"O Dieu ! s'exclame le chroniqueur de Croyland. Quelle assurance nos rois pourront-ils désormais avoir qu'au jour de la bataille ils ne seront pas abandonnés par leurs sujets !"
Il se refusait à admettre l'existence de défauts qu'il fût incapable de surmonter, de défaites irrémédiables, et il avait le courage, et la vanité, de pousser ses pions jusqu'au bout.
Il n'est pas facile d'être le frère d'un roi. De partager son sang sans partager son trône. D'être presque tout et par là même rien. Les Français lui ont donné un titre qui lui sied mieux que tout autre: Monsieur - un titre où joue une ombre d'ironie. Monsieur tout court, car le nom qui devrait suivre est le nom même du roi. S'il n'a pas de fonctions précises, le frère du roi a mille tentations. L'ambition est son patrimoine, et la conspiration, le seul exutoire à sa jalousie. Les pages d'histoire sont pleines de ses intrigues et de ses trahisons. En ce même moment, les frères de Louis XI et de Jacques III d’Écosse composaient leurs propres variations sur cet inépuisable thème, que George de Clarence consacrait à orner tant d'ardeur et d'imagination.
Ayant travaillé quelque treize ans à cette biographie, j'ai contracté tant de dettes envers les savants, les collègues, les amis, le personnel des archives et des bibliothèques des États-Unis, d'Angleterre, de France et d'Italie, qui m'ont prêté leur concours, que je ne vois d'autre solution que celle, bien imparfaite, de leur adresser en bloc mes remerciements pour l'aide toujours précieuse et bien souvent sans prix qu'ils m'ont apportée.
Ce livre a pu être écrit grâce à l'appui de la fondation Guggenheim, dont par deux fois j'ai été le boursier, de 1957 à 1958 et de 1961 à 1962, de l'American Philosophical Society, qui m'a accordé une subvention en 1959, et de l'Ohio University, qui m'a offert une chaire de professeur en 1966...
(extrait de la préface de l'auteur insérée en début de l'édition de poche parue en 1980)
Une part importante de cette biographie se trouve basée sur des documents diplomatiques italiens, et surtout milanais, qui pour la plupart n'ont pas été publiés et dont pratiquement aucune n'a été utilisé par les biographes de Louis XI.
(...)
Ayant travaillé quelque treize ans à cette biographie, j'ai contracté tant de dettes envers les savants, les collègues, les amis, le personnel des archives et des bibliothèques des États-Unis, d'Angleterre, de France et d'Italie, qui m'ont prêté leur concours, que je ne vois d'autre solution que celle, bien imparfaite, de leur adresser en bloc mes remerciements pour l'aide toujours précieuse et bien souvent sans prix qu'ils m'ont apportée.
568 - [p. III et V de la Préface]
Alors que cinq siècles seulement nous séparent aujourd'hui de la France dont hérita Louis XI lorsqu'il devint roi, le 22 juillet 1461, six siècles et demi déjà séparaient celle-ci de l'époque de Charlemagne. Cependant, ce dernier se fût certainement trouvé plus à l'aise dans la France de Louis XI que nous, qui en sommes pourtant moins éloignés dans le temps.
L'accélération générale de l'évolution, le stupéfiant paradoxe que constituent la coexistence d'une société ordonnée, supérieurement organisée, avec une violence concertée d'une intensité et d'une efficacité sans précédent sont autant de nouveautés et d'aspects propres à notre temps qui nous rendent tout à fait étrangère l'époque plus simple de Louis XI.
Les hommes du temps de Louis savaient ce qui était juste, même s'ils ne s'appliquaient pas toujours à suivre la justice ; ils connaissaient l'existence d'une source de miséricorde, quoique eux-mêmes ne fussent pas toujours miséricordieux ; ils savaient que peine et châtiment sont les justes tributs du mal, même si ce n'est pas toujours en ce monde qu'il faut payer le prix de ses errements ; ils n'avaient pas le moindre doute quant à l'existence de Dieu.
La masse n'avait qu'une intelligence primitive de l'homme, de la fonction et de la force des institutions, mais sans doute appréciait-elle plus vivement que nous l'aspect tragi-comique, le caractère absurde et merveilleux de l'existence humaine. Les amusements étaient rares mais intensément savourés ; l'ennui était inexistant, ou du moins méconnu ; la précarité de la vie était admise ; largement répandues, la souffrance et la pauvreté n'étaient pas déshonorantes. L'inhumanité de l'homme face à son prochain ne constituait pas une insulte au progrès ; elle attestait tout bonnement la réalité de la chute et de l'expulsion du Paradis terrestre. La foi, l'habitude et la résignation venaient adoucir la dure existence de l'homme.
"je sais que Votre Sainteté n'ignore pas que les scandales prédits dans l'Apocalypse s'abattent aujourd'hui sur l'Église [...] Plût au ciel que Votre Sainteté fût innocente de ces abominations !"
Louis XI au pape Sixte IV.
A la grande surprise de ses auditeurs, qui s'attendaient à entendre le chancelier, ce fut Louis qui prit la parole. Avec conviction, il s'efforça de leur inculquer sa vision d'une France unie et prospère où chacun aurait la même chance de succès. Il désirait, expliqua-t-il "trois choses principales pour le bien du royaume tout entier" : que chacun puisse commercer sans entrave, selon son bon plaisir ; que la justice soit réformée de façon à éliminer atermoiements et corruption ; que la France enfin soit soumise à une loi unique et ne connaisse plus désormais qu'un seul poids, une seule mesure et une seule monnaie. Il admettait que "son royaume était si grand qu'on ne pourrait y parvenir qu'au prix de grandes difficultés". C'était la dernière fois que ses sujets et lui auraient l'occasion de se voir.
« Le duc de Bourgogne est si instable qu’il change constamment d’idées. Tantôt, il m’annonce telle chose, tantôt telle autre, il hésite tant que jamais je ne sais au juste ce qu’il entend me dire. Par ma foi, il est fou. »
Louis XI, en 1477, juste avant la défaite du duc.