On a coutume de dire : « un paysage désolé » ; je suis désolé, mais le désert ne l'est pas.
La mer recouvre inexorablement la plus grande partie de notre planète. Nous vivons, somme toute, sur des îles. Coiffés et chaussés de glaces, nous déambulons suivant les saisons dans la boue, l'herbe verte, les feuilles mortes, et le plus souvent sur l'asphalte.
Les montagnes, superbes cicatrices de cataclysmes préhistoriques, s'effritent peu à peu. Elles ont le temps. Les forêts nous ressemblent plus. Elles grouillent, s'enchevêtrent, se battent pour survivre. Les plaines, plus dociles, ondulent suivant la volonté des cultivateurs.
Les déserts, eux, sont là, tellement immobiles (je n'ose mentionner leur silence), qu'ils laissent à ceux qui les ont violés l'impression troublante qu'il s'y passe des tas de choses lorsqu'ils n'y sont pas.
Quand il « patinait » un décor, il trimbalait avec lui une quantité invraisemblable de petits pots contenant des produits mystérieux, connus de lui seul, et il promenait sa fine silhouette à travers la salle de bistrot ou le commissariat de police que le décor représentait. Badigeonnant, tapotant, grattant, polissant, il arrivait à faire apparaître sur un ensemble tout neuf quarante ans de sueur humaine, de crasse, d'usure faite par des milliers de mains moites. Le décor vivait, racontait sa vie.
Mejinsky était incontestablement le champion du monde du patinage artistique.