Le chat regagna-t-il les côtes japonaises ou dériva-t-il vers d'autres continents? Demeura-t-il éternellement dans les océans? Il ne faut pas prêter crédit à cette version de l'histoire, car ceux qui la racontent n'en connaissent même pas la fin.
Peut-être espérait-il renouer, dans la trame des tissus, avec le fil de sa propre histoire, qui le ramènerait à sa place.
- Adieu, reine, et merci. Je n'oublierai jamais ce que tu as fait pour moi.
- Ne me remercie pas. Le monde est déjà assez dur pour nous, les femmes. Que deviendrions-nous si nous n'étions pas capables de nous entraider un peu, de temps en temps ?
La Moïra que j'ai rencontrée en rêve semble être pareille à la vraie, c'est-à-dire... une véritable peste.
(p.79)
Tant de crimes ont été commis au cours des siècles. Pourquoi me présente-t-on comme un monstre unique, insurpassable ?
Est-ce que parce que je venais d'une terre barbare ? Parce que j'étais savante ? Parce que j'étais une femme refusant de n'être que victime ? Ou bien est-ce pour oublier les crimes dont d'autres sont chargés ?
— Mission accomplie, Patience !
— Mais croyez-vous que les lecteurs auront remarqué le style victorien du tribunal ?
— Évidemment ! Un tel anachronisme ! L'auteure a encore négligé de se documenter ! Si ça ne tenait qu'à moi... Je la ferais comparaître devant notre cour !
— Riche idée, chère amie ! Nous devrions tous, personnages de papier, juger et condamner nos auteurs ! Charles Perrault connaîtrait enfin la désagréable sensation de se retrouver dans l'assiette d'un meunier !
— Et j'emprisonnerais La Fontaine dans un filet, en n'omettant pas d'y introduire un lion ! Je lui crierais : Ne vous en faites pas, Jean, ce n'est qu'une fable !
On dit que longtemps après, le chat de soie partit à la recherche du kimono qu'il avait déserté.
Il voyagea avec les caravanes de teinturiers et des tisseurs, parmi les paysages que composaient les motifs.
Peut-être espérait-il renouer, dans la trame des tissus, avec le fil de sa propre histoire, qui le ramènerait à sa place.
Bientôt, les semis de fleurs anglais et français succédèrent aux forêts de bambous. Le chat avait-il atteint la Vieille Europe ? Le kimono s'y trouvait-il donc ?
Mais non, le chat était arrivé aux Indes, dans les comptoirs européens.
— Il nous faut un autre basilic pour prouver que vous pouviez vous tromper. Une pièce à conviction en somme.
— ... À convission, oui, oui.
— Décrivez-moi la bête.
— C'est comme une vipère, mais petiote.
— Si petit ?
— Voui. Avec des ailes petiotes.
— Ah... C'est embêtant ! Sur la couverture, l'auteure l'a dessinée comme un dragon. Le lecteur sera déçu.
La femme appartient au Moyen Age, l'homme franchit seul le seuil d'un nouveau siècle !
Kimono aux chats
Londres, 25 octobre 1896
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Depuis ce printemps, la vogue des kimonos fait rage dans notre capitale. Il n'est pas une boutique à Londres qui ne possède une vitrine remplie de soie damassée, d'éventails et de piques à cheveux. Les dames les plus élégantes de la haute-société londonienne ont sacrifié leurs toilettes britanniques à cette mode, comme le montre notre photographie en médaillon.
Le commodore Perry, en ouvrant les premiers ports japonais il y a quelques quarante ans de cela, imaginait-il qu'il serait à l'origine d'un nouveau chic "à la nipponne" ?