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Critiques de Michel Serres (277)
Temps des crises

Ce que tient à soulever Michel Serres ici, c'est que la crise actuelle n'est pas seulement économique mais générale : le monde a beaucoup changé depuis quelques années en matière d'environnement, de santé, de démographie,...

Il souligne également l'importance du rôle du "Monde" : la voix de la planète dans les prises de décisions futures, plutôt que la religion, l'armée ou ceux qui détiennent les richesses. Pour lui, les savants doivent parler au nom de la planète afin d'en faire un acteur pour le futur et rappeler que l'homme n'est pas supérieur à la nature.

Une vision intéressante qui fait un rappel sur notre histoire et présentée avec philosophie, ce qui peut rendre la lecture difficile.
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Philosophie - H.S. : Tintin au pays des phi..

Tintin au pays des philosophes



Tintin le héros des jeunes de 7 à 77 ans comme on disait à l'époque où je découvrais ces aventures.

Vingt-trois albums parus entre 1930 et 1976 qui font ici l'objet de réflexions philosophiques de la part de philosophes connus, par thèmes, bien ordonnés : de la morale, de la politique, de l'homme, de la raison du rire, de l'art.



Tintin, d'un point de vue philosophique fait l'unanimité, il est, semble t-il, spontanément bon, courageux, il est capable de partir dans une quête qui défie la raison, pour porter secours à l'autre bout du monde à son ami Tchang. Il aide le faible, combat l'injustice le tout en étant désintéressé spirituellement et matériellement.

Dans l'univers d'Hergé il apparaît même que l'animal « bestial » (yeti, gorille) est meilleur que l'homme

Bref, un champ d'étude d'une simplicité biblique tellement le personnage lisse, positif semble un cas d'école paré de toutes les vertus.

Cet album offre par conséquent un agrément double, outre qu'il permet de revoir avec bonheur certains extraits cultes de notre héros et de ses amis il étalonne et inventorie les qualités philosophiques les plus évidentes de Tintin. De plus, la mise en page, le choix des illustrations sont très réussies et apportent à eux seuls un vrai plaisir de consultation de cet ouvrage. Il pendra sa place avantageusement à coté des albums canoniques du fringant reporter à la houpe



Néanmoins, à mon avis, deux faiblesses sont susceptibles d'être relevées.



En premier lieu, les contributions sont d'une qualité inégale, à côté de celle d'un Michel Serres, d'autres n'ont pas un grand intérêt.



Ensuite, avec tout le respect du à ces philosophes connus et reconnus il semble en définitive que ce soit davantage l'affect attendri et bien trop respectueux qui domine leurs interventions plutôt que l'esprit philosophique critique.

Une appréciation philosophique sur le non exprimé dans les albums d'Hergé, en seconde approche, aurait du compléter les analyses.



A cet égard, il doit être observé ainsi que la moitié de ses albums ont été écrits et publiés dans une période historique la plus dramatique qui soit, caractérisée par la crise économique, la misère, les persécutions, la guerre, les massacres de masse.

Seul, « le lotus bleu » intègre le contexte historique contemporain et avec des détails qui collent à la réalité.

Même en ne perdant pas de vue que Georges Rémi (alias Hergé) exerçait ses talents dans un autre registre qu'un Malraux ou un Hemingway, cette (auto)censure questionne.

Pourquoi Tintin n'a t-il pas eu de Zorrino ou de Tchang juif, républicain, syndicaliste...journaliste, prisonnier à aider, à faire évader alors qu'il sauve un roi, un (apprenti)dictateur ?

La censure de l'occupation nazie a certes pesé pour certains albums mais pas pour l'ensemble.

Tintin n'est-il pas reporter ? Pourquoi à coté du « Tinitin au pays des soviets », n'y a t-il pas eu un « Tintin au pays des nazis », « au pays des fascistes », « au pays des franquistes » ? Guernica, les accords de Munich…. auraient pu fournir des beaux sujets de « reportage », au moins offrir des arrière plans stimulants à des aventures...

Pourquoi le communiste, le « nègre », les mafieux de Chicago ont été les seuls à être raillés, moqués  à cette époque?



Ensuite, le désert de la vie sociale, affective, sexuelle de Tintin est pour le moins suspecte.

En y regardant de plus près, l'univers de Hergé est tout sauf zen ; l'inavouable, des élans mortifères affleurent régulièrement et sont péniblement étouffés par un refoulement brutal

Hormis la Castafiore il n'y a pas de femme dans l'univers de Tintin et plus grave la sensualité, le désir, sont impitoyablement étouffés. Ils n'apparaissent que furtivement et sous une forme de souffrance, de violence à la frontière de la pathologie dans ces délires d'alcoolique ou de rêves-cauchemars. Le moins que l'on puisse dire c'est que cette femme, la Castafiore ne peut que faire fuir.

Ce désert, conjugué à ces délires oniriques révèlent à l'évidence une peur de la vie, la vraie, avec ses fêlures, ses interrogations existentielles, politiques, sociales, affectives, sexuelles.

Ce constat s'agissant de Tintin est d'autant plus flagrant que Hergé avec le capitaine Haddock, et même avec Milou n'hésite pas à introduire des failles, un « coté obscur » dans ses acteurs

Au total un univers philosophique en trompe l'oeil , Tintin n'est pas un sage ou un homme juste par choix ou parce qu'il est naturellement bon mais parce que les questions, les situations dérangeantes sont absentes, évacuées. Il n'y a par conséquent pas de choix philosophiques à faire dans l'action et/ou la réflexion.



Cela n'enlève rien ni au charme indestructible ses albums ni au plaisir de lire ce Tintin au pays des philosophes mais sur ce terrain il existe fatalement des interrogations dont on peut difficilement faire l'économie, même si elles sont politiquement incorrectes
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Petite Poucette

Pour tous ceux qui comme moi sont parfois déconcertés par certains comportements, de nos ados, de nos pairs... A lire par tous de l'ouvrier au manager, du médecin,à l'infirmière, au citoyen... Un livre qui remet les choses en perspective, de manière claire et optimiste !
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Yeux

Dans ce beau livre (livre d’art, livre cadeau, où, naturellement, l’image compte autant que le texte), Michel Serres se laisse aller à toute une série de variations poético-philosophiques sur le thème de la vision.

Partant de l’expérience esthétique du regardeur regardé — par exemple devant le fascinant Autoportrait au feutre gris de Vincent Van Gogh, où le peintre-modèle scrute au fond des yeux, de manière si troublante, le spectateur qui le regarde —, l’auteur (qui, à la fois, témoigne, analyse et se raconte) remet en question le privilège exclusif du point de vue humain sur le monde. Il diversifie et relativise au contraire les points de vue : non seulement en faisant droit aux visions différentes, celles des différentes espèces animales et même vivantes, mais en étendant, plus ou moins métaphoriquement, le pouvoir des yeux aux quatre éléments, au firmament, à la matière, à la nature entière (« objets inanimés, avez-vous donc des yeux ? »). Peuplé ainsi d’yeux innombrables (des orbites et trous noirs de l’espace à l’œil des cyclones et des tourbillons aquatiques, de l’éclat des astres à celui des minerais, des pupilles et rétines des espèces de toutes sortes aux lentilles, aux miroirs et aux oculaires des lacs et des glaces, du ciel et de la nuit constellés aux feuillages et aux plumages ocellés…) le monde devient véritablement « panoptique » ; tout y est visible et voyant à la fois. Tout y devient donc « visage » (voyant/vu) et « visite » (venir voir/se faire voir). S’y dessine en effet un réseau serré et complexe de rayons, au long desquels la lumière circule en incessants allers-retours, dialectiques et réflexifs, transformant tour à tour les points qu’elle relie en émetteurs et récepteurs de lumière, en sources et cibles de vision, en sujets et objets de savoir (encore un avatar du voir alors même qu’il ne serait plus visible que pour l’œil de l’esprit ?). Bref, « des yeux par myriades », comme résume Michel Serres… Et de même que toutes les couleurs, s’additionnant, se fondent en une seule, d’un blanc pur et laiteux (l’Arlequin bariolé se métamorphosant alors en Pierrot lunaire), de même toutes ces visions de l’univers finissent par s’unifier en une seule vision, transfigurante et mystique comme une aurore boréale, dans laquelle l’auteur semble lui-même, dans le dernier chapitre et sous références chrétiennes, mystérieusement happé. Comme l’est le héros de ce conte qu’il invoque en « signature » (et probablement en ultime confidence) à la dernière double page de l’ouvrage : « happé par ce puits d’attraction »… vertigineux comme le trou noir de la mort qui, sur l’illustration placée en regard, emporte dans un tourbillon les dernières couleurs de la vie… mais vers quoi ?

Hommage à la belle et charismatique personnalité de l’auteur, l’éditeur lui a visiblement donné carte blanche. Et celui-ci, naturellement, s’est fait plaisir : naviguant allègrement entre mythes, sciences, arts, religion et philosophie, reliant ainsi d’une traite tous les continents de la culture, surfant sur les images et les idées, les mots et les émotions, roulant dans la vague des phrases ou l’ondulation des sons et des rythmes… Au risque parfois — il faut le dire — de se caricaturer lui-même : de céder, par exemple, au démon du bon mot et à la griserie rhétorique, à la fantaisie des libres associations ou aux coquetteries de l’allusion et de la connivence. Mais le lecteur — sans être nécessairement dupe — se laisse aller volontiers au charme d’un tel voyage, plein d’imprévus et en si bonne compagnie, comme il se laisse aussi bousculer par tant d’érudition, moins tapageuse finalement que portée par une longue expérience, décantée, et volontiers créditée, du coup, d’une sagesse que, subjugué et intimidé, on suppose peut-être hors encore de sa propre portée.

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Yeux

Je connaissais évidemment de nom Michel Serres, philosophe, historien des sciences, académicien, bref un type qui a plein de choses brillantes et passionnantes à nous dire, mais c'est par l'intermédiaire de son nouvel ouvrage : Yeux (éditions Le Pommier, paru en octobre dernier )que j'ai fait vraiment connaissance avec lui et sa pensée, érudite, mais assez étonnante si on s'accroche un peu à ce qu'il veut nous faire comprendre.

Dans cet ouvrage, Serres développe une contradiction de la « vision », de la représentation, dans l’espace du voir, du vu et de l’invu. Il y interroge tous les regards, dans notre société qui pense tout voir et avoir tout vu !



Michel Serres explore, à la façon de variations, les capacités des yeux, de tous les yeux : Voir et être vu, Yeux de pierres, Yeux de bêtes, Yeux de verre, Yeux de mer, Yeux de lettres, Yeux de mère ou Feu d’Yeux, feu de Dieu.

Il interroge le regard du peintre, comment il voit ce qu’il peint, comment il est vu par le spectateur. Comment regarde-t-on la nature ? Comment regarde-t-on une œuvre, statique, mouvante… Il oppose la nuit et le jour pour nous montrer que la lumière naît… de la nuit. Il nous emmène visiter les lieux les plus anciens, comme Lascaux, avec les moyens les plus contemporains de la technologie… Et nous fait enfin réfléchir sur ce que nos yeux disent de la force de notre amour.

Serres met en filigrane des variations, les mille et unes facettes par lesquelles les artistes, la nature, les animaux, les minéraux, le Cosmos, sont représentés et s’entrecroisent. S’interrogeant sur l’extériorité du regard, l’ambiguïté de la notion de la vision, Serres exige que ces images reflétées nous soient « révélées ».



Cette expérience cathartique et symbolique rend compte à la manière d’une cartographie poétique, une philosophie des images dans son rapport au savoir, une ascension des idées vers l’Unité. Difficile d'accès mais passionnant et extrêmement enrichissant spirituellement parlant!!


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Petite Poucette

Petite Poucette, c'est la jeune fille qui vient d'avoir une vingtaine d'années. Derrière cette expression, Michel Serres crée un nouveau personnage conceptuel. Non pas un être réel, mais un individu représentatif d'une génération et, selon Michel Serres, le premier d'un nouveau type d'humain.



"Petite Poucette", parce que son outil c'est le pouce, celui qui envoie des SMS.

Petite Poucette, la geek, symbolise le nouveau type d'humain qui se fait jour devant nous, celui de la troisième révolution épistémologique humaine. Il y eut l'invention de l'écrit, puis le passage de cet écrit, manuscrit, à l'imprimé et nous observons, maintenant, le passage de l'imprimé à celui du numérique. D'un œil bienveillant et du haut de ses 80 ans Michel Serres reste admiratif d'une génération radicalement différente de celles qui la précède. Une génération naturellement à l'aise avec les nouvelles technologies mais toujours baignée dans un monde dont les institutions sont devenues obsolètes en quelques battements de cils.

Pour nous expliquer cette révolution mentale, Michel Serres file la métaphore de St Denis. St Denis, évêque de Paris, fut condamné à être crucifié au bien-nommé mont des martyrs (Montmartre). Victime de l'impatience du légionnaire sur son chemin de croix, il est décapité avant son arrivée. Miracle ! Il se relève, prend sa tête sous le bras et marche jusqu'à s'effondrer à l'endroit où est édifié en son honneur la basilique qui porte son nom.



En insérant la "révolution numérique" dans un continuum qui montre le changement du rapport à la connaissance, Michel Serres explique que le passage de l'écrit à l'imprimé s'est accompagné d'une transformation de la pédagogie et de la transmission entre les générations : la rareté des manuscrits médiévaux valorisait l'usage quasi exclusif de la mémoire. L'imprimé libéra peu à peu l'homme du besoin de mémoire : "il vaut mieux une tête bien faite que bien pleine" affirma Montaigne, observateur de ce changement. Michel Serres pointe la disparition des localisations physiques et institutionnelles du savoir : la page, le livre, la salle de classe, l'université et le professeur lui-même. Le savoir est désormais partout, il n'est plus besoin d'être localisé dans la tête de Petite Poucette, il est accessible partout, tout le temps, pour tous. Le savoir est en face de soi (et non plus dans la tête, d'où la métaphore de St Denis) dans l'écran, telle une tête posée.

Et Michel Serres d'analyser, au fil des trois chapitres qui composent ce court essai, toutes les inadéquations des institutions qui gouvernent notre monde au regard des réalités en œuvre, et en acte. De pointer le désarroi des enseignants qui s'échinent tels de modernes Don Quichotte à ânonner de caducs enseignements tirés de livres périmés avant même d'être secs. De relever nos réticences comme autant d'enracinements inutiles qui nous empêchent de voir le monde tel qu'il est, et nous installent dans la posture d'un "c'était mieux avant" réactionnaire et illusoire. Alors que la vie, mobile et évanescente que nous propose le monde qui vient doit nous inciter à faire confiance à ces jeunes qui le connaissent déjà presque mieux que nous.

Ce que j'aime avec le texte de Michel Serres, c'est qu'il m'aide à me libérer du "vieux con" qui sommeille en chacun de nous. Et surtout en moi.



La question du savoir et des nouvelles technologies traduit en ce sens la migration d'un débat qui a agité le monde de l'éducation il y a une quinzaine d'années : l'affrontement entre "pédagogues" (Meirieu, De Vecchi etc.) et "humanistes" (De Romilly, Finkelkraut etc.). Les premiers sont les initiateurs du mouvement qui souhaite mettre l'élève au centre de l'école, alors que les seconds critiquent vivement cette position estimant que c'est le savoir qui est au milieu de l'école. Pour ces derniers, le savoir est à conquérir et à s'approprier telle une montagne à gravir (avec tout un discours de valorisation de l'effort). Les pédagogues estiment que pour conquérir ce savoir, les inégalités de toutes natures entre les élèves imposent au système éducatif de placer l'élève et ses modes d'appropriation du savoir au centre du travail scolaire afin de permettre à tous d'apprendre. Ils reprennent en ce sens les critiques initiées par Bourdieu et Passeron qui visaient à montrer que le savoir est socialement normé, que le système scolaire est loin d'être équitable en ce qu'il favorise et institutionnalise les distinctions sociales qu'il inscrit dans le marbre scolaire.

Bien sûr les deux positions ont raison mais n'auraient jamais accepté de le reconnaitre.

Les humanistes ont toujours refusé de reconnaitre la discrimination qu'organisait le système scolaire. Il est difficile à un bon élève de reconnaitre que le fruit de sa réussite est en partie, sociologiquement et institutionnellement organisée.

Les pédagogues, dans leur grande entreprise de démolition des structures de reproduction sociale à l’œuvre au sein de l'école, ont jargonné à l'excès et ont imputé essentiellement à l'école le devoir de transformation et non plus à l'élève. Il fallait en quelque sorte que le savoir s'adapte à l'élève et surtout à l'enfant. À l'extrême cela niait le pouvoir émancipateur du savoir, l'élève étant enfermé dans les inégalités qui conditionneraient son destin scolaire.



Pourquoi cette longue explication ? Parce que le texte de Michel Serres traduit l'évolution de ce débat qui agite toujours l'éducation nationale.

Derrière un texte très écrit, elliptique et lapidaire par moment, à la fois limpide et abscons (la deuxième moitié de l'ouvrage laisse assez perplexe), Michel Serres délivre un message très ambigu.

Férocement critique envers toutes les générations qui précèdent la génération Y, Michel Serres brosse un portrait idyllique de cette génération qui n'aurait plus besoin d'apprendre vu que le savoir est déjà accessible. Que l'énervement des vieux (cons) envers eux est archaïque. Mais au delà des critiques entre générations, qui visent d'abord à déconstruire le système de pensée du lecteur (Petite Poucette lira-t-elle le livre de Michel Serres ? pas sûr...), l'auteur reprend les arguments des pédagogues. Si le débat des années 1980-1990 visait à transformer l'école dans ses orientations, les promoteurs du numérique dans la pédagogie visent directement à une dissolution des structures de l'école. Le texte de Michel Serres propose la disparition même de l'école.



Mais surtout le point qui me semble le plus problématique dans Petite Poucette est la conception du rapport au savoir que valorise Michel Serres. En plaçant le savoir à l'extérieur de l'individu, comme un étant là, bref, en le réduisant à wikipédia, dans tout son texte, Michel Serres méconnait le pouvoir transformateur du savoir. Le savoir n'est pas quelque chose d'extérieur à l'individu. Il confond data et savoir, qu'il faut probablement écrire avec une majuscule. Le savoir transforme l'individu, l'émancipe. Le savoir, c'est d'abord un savoir-être et non une collection d'information. Le savoir c'est ce qui in-forme l'individu.

En ce sens, la position de Michel Serres cumule les pires des arguments des pédagogues et des humanistes. Elle externalise le savoir comme les humanistes le faisaient. En lui enlevant son pouvoir émancipateur, elle s'attache à la valeur de l'individu comme les pédagogues mais elle lui retire l'objectif de l'appropriation du savoir (que les pédagogues gardaient toujours en ligne de mire, même si les humanistes faisaient semblaient de l'ignorer dans leurs plus virulentes critiques).



Pire, la métaphore de St Denis est somme toute assez problématique. Les jeunes sont décapités. La métaphore du martyr céphalophore est très mal trouvée (je ne suis pas sûr que Michel Serres ait réellement mesuré ce qui est avant tout un gigantesque lapsus). Qu'en sera-t-il lorsque les écrans sont éteints ? Qu'en est-il du sens critique de chacun, lorsqu'il est attaché à ses chaines numériques ?

Car Michel Serres ne propose finalement que le modèle d'un utilisateur du savoir et non d'un producteur du savoir. Il ne montre qu'un usager, un consommateur de média, telle une boite à remplir et à vider.

Mais qui contrôle les tuyaux, les accès, les péages ?

Ceux qui continueront d'aller dans les écoles les plus sélectives, où le numérique est ramené à sa juste mesure. Un outil. Un outil en plus et non pas à la place des autres comme le promeut Michel Serres. Ceux qui contrôleront iront à Stanford, là ou Michel Serres enseigne à plusieurs dizaines de milliers de dollars par an. Mais pas tous les autres qui n'auront qu'une école du clic où le savoir n'est plus construit et intégré, mais des écoles numériques où la fascination de l'outil aura fait oublier le vrai sens de l’École : l'émancipation de l'individu.



Michel Serres annonce, dans un texte somme toute assez manipulateur, les pires promesses de Gérard de Sélys et Nico Hirtt dans leur Tableau noir. La numérisation avancée de l'école alors qu'elle n'était que spéculative lors de l'écriture de ce livre est devenu réalité une quinzaine d'années plus tard, elle est même l'incarnation de la continuité des objectifs de l'éducation nationale indépendamment des ministres et des majorités. Pire, le texte de Michel Serres les justifie et interdit toute critique dans son tableau idyllique d'une jeunesse que l'on doit cesser d'instruire au non de l'archaïsme supposé de toute forme d'enseignement...



A la fin, je n'aime pas ce texte.
Lien : http://leslecturesdecyril.bl..
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Petite Poucette

Comprendre les adolescents d'aujourd'hui... Leur inculquer une éducation... Voilà qui n'est pas facile lorsqu'on a comme modèle celle de nos parents. On a souvent tendance - et j'avoue être la première à le faire - à se référer au passé. Pourtant, les adolescents ont changé. La société de consommation et l'ère du numérique les ont fait changer. Ces petits poucets et poucettes, ainsi appelés par référence à l'utilisation de leur pouce sur leur smartphone, ne comprennent pas plus notre génération.



Michel Serres nous convie ici à réfléchir sur ce changement, à essayer de nous adapter au lieu de nous braquer. Ce n'est certes pas évident. La première idée serait de dire : "c'était comme ça avant, pourquoi cela changerait-il ? C'est à eux de s'y mettre !" Oui, mais voilà, il ne faut pas oublier un paramètre : la société évolue et, avec elle, les nouvelles générations. Ne pas s'en rendre compte ou, plutôt, ne pas vouloir s'en rendre compte, c'est se fermer à toute communication. Autant tenter de leur apprendre des choses via de multiples outils. Mais si vous lisez cette critique, c'est que vous êtes vous aussi sur un support numérique... donc vous comprendrez facilement ce que nous dit ce philosophe.



Un petit bémol tout de même : je ne suis pas d'accord avec tout ce qui est énoncé. J'aurais aimé que ce petit bouquin présentant une importante réflexion soit plus abouti. On reste un peu sur sa faim.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Philosophie - H.S. : Tintin au pays des phi..

Comme tout amateur de BD, j'ai fait mon éducation littéraire dans les pages du Journal de Tintin que j'achetais en face de chez moi tous les jeudis matin. Bien sûr le prolongement a été dans les albums où l'on pouvait vivre l'aventure complète quand ce n'était pas sur 2 albums à suivre. Quelle frustration de n'en avoir qu'un et d'attendre le prochain Noël ou anniversaire pour lire la suite. Les adultes ne comprenaient donc rien.

- Fin de la séquence nostalgie !

On dira ce qu'on voudra, je cite pêle-mêle les critiques acerbes et injustifiées des bobos des années 80/90 qui dénonçaient en vrac, le colonialisme, la naïveté, le collaborationniste supposé d'Hergé, l'ambivalence des rapports de Tintin et Haddock, où sont les femmes, j'en passe et des bien pires. Que n'a-t-on pas inventé pour se rendre intéressant dans des cercles dits “intellos” ?

- Fin de la séquence mitraillage !

Eh bien moi j'ai toujours aimé et j'aimerai toujours les aventures de Tintin que je relis à l'occasion, le temps d'un retour aux sources. Oui les personnages sont typiques, oui certains sont inspirés de personnages réels, eh bien tant mieux ! Cela donne davantage de corps aux histoires. Le trait est simplifié, c'est sûr, mais c'est ça le génie de la ligne claire. Le voilà le précurseur d'une génération d'enfants de la BD qui ont fait leurs armes sous la houlette du maître. Et sans Hergé, que serait devenue la BD ? Je ne citerai pas tous ceux qui se sont inspirés de son école, ce serait trop long. Citons juste quelques albums à mon avis magnifiques et incontournables : Le Crabe aux pinces d'Or, Les Cigares du Pharaon, Le Lotus Bleu, le Sceptre d'Ottokar, L'Oreille Cassée (grandiose), La Licorne et Rackham le Rouge (massacrés au cinéma il y a peu), Les 7 boules de Cristal & Le Temple du Soleil, Objectif et On a marché sur la Lune, et enfin Tintin au Tibet.

Que ceux qui n'aiment pas aillent au Diable, et laissez-nous rêver. Merci Monsieur Hergé



En ce qui concerne ce numéro spécial comme en font régulièrement les magazines en mal d'impression, je l'ai acheté plus par curiosité que par amour de la philosophie. Étant par nature quasi-hermétique depuis ma Terminale, à ce genre de pensées, j'ai été vaguement intéressé par les théories développées, mais j'ai vite décroché, me contentant de feuilleter le reste du magazine pour les illustrations.

À recommander uniquement aux spécialistes du genre !
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Petite Poucette

J'étais curieuse, j'ai lu Petite Poucette, je suis déçue, ce n'est rien... Et je rejoins nastie92 sur sa critique. Inutile de passer plus de temps, tout ce qu'elle en dit me convient parfaitement.
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Pantopie : De Hermès à Petite Poucette

Si vous n'avez jamais lu de livres de Michel Serres, ou si vous le trouvez difficile d'accès, ce livre est pour vous.

Dans le premier cas, il va vous donner envie de vous jeter sur ses œuvres précédentes mentionnées dans l'ouvrage, dans le second cas, il va expliciter sa pensée.



Cet ouvrage est un entretien sur deux ans entre deux journalistes et le philosophes atypique qu'est Michel Serres. Les questions portent sur les personnages qu'il a crées pour développer sa pensée scientifique et philosophique.



Il retrace d'abord son parcours, qui explique en partie ses choix de recherches.



Habituellement, les philosophes développent des concepts, qui se retrouvent ensuite associés à leur nom. Michel Serres, lui, invente des personnages, qui sont des passeurs entre sa pensée et ses lecteurs, tout en soulevant des questions éthiques.



A travers Hermès, Thanocrate, le Tiers Instruit, Petite Poucette ou Hominescent, il présente des singularités, afin de mieux comprendre le collectif, un fait de société, une mutation.

En plus, Michel Serres est un précurseur, un penseur qui anticipe les grandes évolutions de la société. Avant tout le monde il a analysé la fin du secteur secondaire au profit de l'ère de communication.



Son œuvre est un ensemble qui se construit, se remodèle à chaque publication, chaque livre étant pour lui comme un lien hypertexte dans l'ensemble de son œuvre.



Lui qui dit refuser les concepts à la manière des philosophes, il y en a bien un qui fait le lien entre tous ses livres, tous ses personnages, c'est celui de pantopie. Il a la volonté de circuler partout tant intellectuellement que géographiquement. Tout voir, tout connaitre, comprendre les liens entre les événements. Il ne veut plus être de nulle part (utopie), mais de partout (pantopie).



Un livre à recommander.
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Petite Poucette

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Nouvelles du monde

Livre vraiment interessant par la construction , la variété des themes et l'oiginalité des récits. Pas sur que la meilleure maniere de le lire soit de le parcourir d'un jet! car l'ecriture est parfois ardue et les histoires tellement courtes que cela demande une grande concetration et une capacité de lecteur à "remettre le cerveau à O. J'ai quand meme decouvert dans Michel Serres un bien bel écrivain!
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Le contrat naturel

Il est toujours pertinent quand l'on est écologiste de se remettre en question pour savoir si l'on est dans une démarche ouverte au monde , ou bien si l'on est renfermé sur soi . Michel Serres dresse ici un tableau trés intelligent des diffërentes maniéres d'étre écologiste , et force est de constater qu'il est encore une fois dans le vrai . L'écologie c'est une école de pensée , peut étre la plus importante et il le démontre de maniére éclatante .
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Temps des crises

Enfin quelqu'un qui comprend que ce qui est vendu comme une "crise " par les médias et les politiques , n'est en réalité qu'une mutation du monde comme il y ena déja eu de par le passé . Et comme de par le passé , cela crée des tensions , que les politiques et les médias utilisent pour vendre leurs boniments . Ici le texte est court , fort en terme de vocabulaire et de thématiques abordées . Il ne faut pas survoler ce texte au risque de passer a coté d'un essai trés pertinent sur un sujet que Le Pen et Mélenchon utilisent bien trop souvent .
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Le Tiers-instruit

Apprendre avec les autres tout en apprenant soi méme . Voila en gros comment résumer la philosophie de Michel Serres. Cela peut paraitre simple , mais c'est bien plus compliqué a mettre en pratique . Ce livre démontre bien le fait que l'homme ne peut appendre durablement que si il est au contact d'autres desquels il apprend. Comme souvent chez cet auteur il faut y revenir a deux fois pour réelement saisir toutes les subtilités d'un discours passionnant dont l'on ne veut rien manquer .
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Le mal propre : Polluer pour s'approprier ?

Difficile de critiquer ce livre ... C'est d'une telle richesse malgré la minceur du volume qu'il faut étre en phase avec le propos de Michel Serres pour vraiment avancer avec lui dans cette pensée qui met a plat le fait que l'homme colonise la terre de par la saleté qu'il laisse . De visu cela a l'air facile a comprendre , mais sur le fond c'est une toute autre histoire . On est ici dans une pensée élaborée qui ne s'écoute pas parler mais qui agit . En méme temps c'est un essai sur l'environnement et l'écologie , et en méme temps c'est une parabole philosophique . En somme voila un ouvrage passionant , auquel l'on revient parceque l'on a besoin de plusieurs lectures pour vraiment tout saisir .
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Petite Poucette

S'il est un domaine avec lequel on ne cesse de nous bassiner aujourd'hui, c'est bien celui des "nouvelles technologies". Michel Serres s'y attaque aussi, mais ni pour s'y vautrer bêtement comme les accros à Candy Crush Saga ni pour s'y opposer pour revenir au bon vieux temps du bouquin en papier et de la vie réelle. Ce qu'il cherche à comprendre, c'est ce que ces technologies changent dans notre rapport au savoir. Or il constate qu'elles changent tout à la manière dont nous apprenons. Le temps du cours magistral du maître abreuvant ses ouailles d'un savoir dont il était l'unique détenteur est fini. Aujourd'hui, tous les savoirs sont accessibles en deux coups de cuillère à clic. Bien sûr, il reste (et le prof, là, peut encore servir à quelque chose) à porter un regard critique sur ce savoir à disposition, à démêler le vrai du faux, le crédible du farfelu, l'utile du superflu. Mais ce travail, désormais, n'est plus celui d'un seul savant fou enfermé dans sa tour d'ivoire (le temps des tours semble se terminer, comme le temps de la page); c'est le travail de tous, ensemble, mis en contact par la toile d'araignée. La savoir ne peut qu'être collectif la tour devient vivante, vibrante, arbre plutôt que pierre ou ferraille. Bien sûr, cette construction-là, qui ne fait que commencer, est instable par nature et risque à tout instant de s'écrouler, mais elle semble être la seule voie possible aujourd'hui pour inventer un monde qui s'entrecomprend au lieu de s'entretuer.
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Petite Poucette

Petite Poucette représente la génération d’aujourd’hui connectée en permanence avec le monde entier utilisant ses pouces pour envoyer des textos et face à une transformation radicale de la société telle que le monde n'en connaît qu'une par millénaire. Selon l'auteur cette transformation de la société produit un homme nouveau qui doit tout réinventer: les relations, la communication, le travail, l'enseignement, le vivre ensemble, une nouvelle société où la culture et la science sont indissociables.

Michel Serres nous livre une analyse positive, optimiste des mutations en devenir et met en relief le potentiel extraordinaire que cela représente pour l'avenir.

Un livre tonique, «enchanteur» à l'écriture très littéraire qui donne une amplitude supplémentaire aux propos de l'auteur. Lisez-le !
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Petite Poucette

Je n'étais vraiment pas convaincu après ma lecture de "Petite poucette" et je ne le suis toujours pas. L'enthousiasme et l'optimisme de Michel Serres à propos de ces nouvelles technologies de la communication est tout d'abord plaisant, mais devient de plus en plus irritant à mesure que cette enthousiasme se transforme en une espèce de béatitude effrayante.





Non pas que les réflexions de cet opuscule - que j'ai bien du mal à désigner comme "philosophique" - soient dépourvues de tout bon sens. Ses constats d'échec de notre société visent souvent juste. Mais la vision proposée ne me plait guère et c'est peu de le dire. L'auteur de nous asséner, dithyrambique ou frisant même le lyrique, à quel point la voie des réseaux sociaux et autres medium technologiques nous ouvrent la voie d'une ère d'Egalité et de Progrès par la communication totale. Si vous trouvez que j'exagère, je rétorquerai que je ne fais que reprendre le style de l'auteur à ma sauce.





La mobilité, la circulation et la technologie sont glorifiées dans cet ouvrage et accolées à l'idée d'une émergence citoyenne mondiale d'une prétendue classe moyenne qui deviendrait une grande classe mondiale en annihilant l'ancien système de classes marxistes, en gros. Une citoyenneté globale, vigilante, tournée vers la prospérité de tous et le bien commun. Merci Michel, c'est beau.





Bon dans cet ouvrage on ne se posera pas trop de questions ou on ne subira pas d'envolées lyriques à propos d'un certain nombre de sujets, comme : l'emprise des gouvernements et des entreprises sur internet ; la question des données personnelles et de leur immense collecte à des fins commerciales ou géopolitiques, comme l'ont révélé au plus grand nombre les derniers scandales impliquant la NSA et de grandes entreprises américaines ; la question des technologies dites "intelligentes" mises au service du "bien-être" mais aussi de la surveillance des populations ; les disparités d'accès à la technologie de pointe de masse, son coût pour l'environnement ; l'explosion et la saturation des canaux de l'information ; la mise en place d'une information de masse fonctionnant sur le système du "buzz", signe de grande paupérisation intellectuelle ; et j'en passe et des meilleures pour ne pas trop assombrir le tableau.





Bref, "Petite Poucette" est ce que dirait un pote un peu plan-plan niveau politique lors d'une soirée durant laquelle on refait le monde, avec déjà quelques verres dans le gosier.
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L'art des ponts

Je ne l'ai pas lu, mais j'en ai découvert, avec joie, l'existence. Il me faut ce livre, qui est bel est bien devenu le fleuron de ma liste "Il suffit de passer le pont"
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Michel Serres nous manque déjà...

Certains les nomment génération Y ou "digital natives", les jeunes, (nouvelles ?), générations nous battent à plate couture devant un écran. Moi j'ai préféré les désigner sous le terme générique de ........?........

petite poucette
les pouces en or
petit poucet
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