Au delà,ou en deçà d'un hypothétique trip au LSD (" pas forcément défoncé mais beau" précise le 3eme et dernier complet), il s'agit ici de proposer un sens à un monde ressenti comme inadapté et urgent à transformer,d'inviter l'auditeur à un voyage initiatique qui présuppose un changement radical de pensé et l'abandon des repères communs ("tu vas probablement crier/que ton petit monde ne te laissera pas partir"). "Celui qui veut naître doit détruire un monde" écrivait Hermann Hesse,devenu lui aussi dans les années 60 un héros de la contre culture américaine. C'est précisément dans cette expérience limite du déchirement entre le soi et le hors soi,entre ce qui est dans le monde et ce qui est hors du monde, que se déploient la prodigieuse infinie et l'infinie beauté d' "Are you experienced ? ".
Eu égard au véritable sujet de "i don't live today", les derniers vers chantés par un Hendrix que l'on sent plus désabusé et dellusionné que jamais confirment une nouvelle fois le caractère ambigu du titre de l'album lequel ne peut être réduit à une apologie de la libération de l'esprit provoqué par la consommation de drogues. Dans ce cas précis,la notion précis, la notion d'expérience rêvet une signification bien plus sombre et pessimiste exprimant la vulnérabilité et la résilience des opprimés et des laissés pour compte. C'est sur ce fond de désenchantement et de perte d'innocence individuelle et collective que s'achève "i don't live today" .
L'approche de la tradition afro-americaine dont fait montre Hendrix dans "Red house" est pleinement respectueuse des schémas fondateurs du genre. Elle se voit néanmoins subvertie-et transcendée- au sein même d'un langage musical et culturel que Hendrix maîtrisait parfaitement des le départ. Ce mouvement dialectique entre héritage et modernité, tradition et expérimentation, rigueur appolinienne et ivresse dyonisaque s'avérera une des grandes clés de voûte de son oeuvre. Elle trouvera son aboutissement posthume dans l'album "Blues" qui contient la seule version studio de "red house" susceptible de dépasser l'original.
Entre les lignes du refrain de " can you see me" ,on peut lire le désarroi et la tristesse d'un enfant timide et introverti devenu grand et parvenu aux portes de la gloire.
Mais peut être Hendrix est il plus seul que jamais et livré à ses angoisses les plus profondes ,à ses peurs d'abandon et à la hantise et la honte de redevenir invisible aux yeux de ses proches et de son public.
L'intro de "foxy lady" inaugure le thème spatial si cher à Hendrix, passionné de science fiction depuis son plus jeune âge et qui fait sonner sa guitare comme une fusée qui décolle, transpercant au passage le mur du son érigé par les nombreux amplis Marshall que Jimmy Hendrix aimait empiler les uns sur les autres ,sur scène comme en studio.
Au moment où Phil Selway était en train de se contraindre "à apprivoiser les ordinateurs et à apprendre à programmer", les résultats, selon Thom Yorke, "étaient très frustrants... je n'y ressentais aucune vie et ça ne produisait aucune signification".
"Pour être tout à fait honnête, je pense que le rock progressif était une erreur monumentale. C'était une méprise de partir de l'idée que le rock et la musique classique se valaient et de tenter désespéramment de les fusionner. Je ne pense pas que c'est ce que nous faisons, nous sommes tout simplement las: las de ce qu'on entend et de ce qu'on voit autour de nous. Nous ne cherchons pas à éduquer les gens, ou à pousser les choses vers l'avant, nous cherchons seulement à dissiper l'ennui, c'est tout"
Interview de Johnny Greenwood, Spin Online, septembre 1997