Pensée de Maurice Zundel n°4. Quand l'homme découvre Dieu.
La plupart des vies, malheureusement sont des cadavres d'humanité...la plupart des hommes sont portés par leur biologie au lieu de la porter. Ils meurent avant de vivre... C'est pourquoi le vrai ;problème n'est pas de savoir si nous serons vivants après la mort, mais bien si nous serons vivants avant la mort.
On ne se possède qu'en se donnant,
on ne se sauve qu'en consentant à se perdre.
L'être est à la mesure du don.
Alors glissa
Parmi les feuilles sans bruit un petit bruit
Né du soupir même que le silence exhale.
Comment suggérer mieux la muette polyphonie du silence et sa présence comme de quelqu’un qui se murmure en vous ? (Hymne à la joie, p. 23).
5 janvier
« C'est beau comme les montagnes », disait une petite paysanne de Savoie qui venait d’entendre une fugue de Bach. Avec une âme ouverte sur l’infini, elle était de plain-pied avec les plus grands chef d’œuvre. ... L’instruction est un fléau qui dégrade la science et abêtit l'esprit, si elle n’aboutit pas à cette ouverture. ["Ouverture sur le vrai"]
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30 juin
C'est pourquoi, plus que nos origines lointaines, me passionne cette origine que nous avons à être aujourd’hui, car là est la vraie question : Sommes-nous une origine ? Sommes-nous des créateurs ? Sommes-nous le commencement d’un monde et d’une humanité ? Notre vie compte-t-elle ? A-t-elle un sens ? Est-elle indispensable ?
["Ton visage ma lumière"].
« Une année avec Maurice Zundel : un jour, une pensée », Paris: Presses de la Renaissance, 2015 / Textes choisis et réunis avec la participation des amis francophones de Maurice Zundel, Coordination de France-Marie Chauvelot.
Il ne s'agit pas de se défendre contre des forces hostiles que l'on n'arrive pas à apprivoiser, il ne s'agit pas d'impuissance et d'ignorance, il s'agit de plénitude de la vie ; il s'agit de la joie infinie, il s'agit d'une liberté enfin reconnue, celle qui fait justement de notre puissance de choisir le pouvoir de nous donner, de tout donner en nous donnant. Combien de philosophes ont peiné pour définir la liberté, pour la concilier avec déterminisme, et il n'y en a peut-être pas un qui ait compris que le sens de la liberté, c'était justemement de faire de nous-même un don. Mais un don à qui, sinon à une générosité qui s'annonce comme telle au plus profond de nous ?
Il y a en moi plus grand que moi. Quiconque a fait cette expérience n'a pas besoin qu'on lui montre l'existence de Dieu. Dieu ne se démontre pas, il est la vie et dès qu'un homme est attentif à sa propre vie, il se heurte à cette présence merveilleuse, invisible. Qu'importe le nom qu'on lui donne, c'est une Présence infinie qui le dépasse infiniment et qui est plus proche à lui-même que lui-même.
On ne voit pas que l’homme naît au moment où il est libéré de soi, où il passe du dehors au dedans, où il cesse d’être un objet, où il cesse de se subir et où il n’est plus qu’une offrande à l’égard de cette Présence merveilleuse qu’il découvre au plus intime de soi.
Toute parole est vaine qui n'est pas redite au-dedans, avec le consentement de l'amour.
Quel mystérieux baptême sont ces larmes que nous refoulons à peine, quand un visage d'amour traverse notre regard, en nous révélant le monde que nous croyions peut-être aboli, et auquel nous sentons maintenant que nous appartenons par toutes les fibres de notre être : le monde de l'esprit et de la qualité, du silence et de la clarté.
(...)
Tout être est capable de nous faire ce don merveilleux qui nous découvre l'humanité vraie. Et ceux qui nous l'ont fait sont à jamais nos bienfaiteurs, quand bien même nous ne les aurions aperçus qu'une seule fois sur la route, car la seule chose qui compte vraiment en nous, c'est ce fond lumineux dont chacune de ces rencontres a augmenté la richesse.
La valeur d’une œuvre est proportionnelle au silence qu’elle fait naître en vous (Allusions, p. 73).