Devant l’indignation que provoquent dans la population les débordements de temps de guerre et l’apparente protection du « vice commercialisé », des politiciens se saisissent de ces enjeux pour représenter leurs commettants et se faire du capital politique. Plusieurs de ces luttes politiques, notamment celles au niveau Le Red Light de Montréal, mis en scène par le photographe Michael Rougier, pour le Standard, en 1947. Le quartier réservé semble alors chose du passé (Bibliothèque et Archives Canada). municipal, sont locales, donc souvent difficiles à décrypter : c’est qu’à cette époque les conseillers municipaux, personnages ancrés dans leurs quartiers respectifs, ne sont pas encore ligués en partis politiques, mais peuvent appartenir à des « cliques » et nouer entre eux des alliances temporaires.
Cette histoire fascine les Montréalais et les Québécois depuis longtemps. Dans l’imaginaire québécois, c’est une sorte de roman policier montréalais, une histoire de policiers et de criminels, de demi-monde scandalisant les petits-bourgeois conservateurs de l’après-guerre, mais aussi de « lutte juste » contre l’influence de la pègre en politique. Véritable lieu de mémoire ou, en tout cas, passage obligé de l’histoire de Montréal, ces événements ont été contés par de nombreux chroniqueurs, historiens et écrivains, selon des perspectives diverses et souvent partielles.
Le débat autour de la contraception et de la continence émergeait dans le contexte d’une très forte intensification, au cours de la Deuxième Guerre, de la lutte contre les maladies vénériennes, dont les Forces armées feront bientôt une priorité afin de limiter les dommages à leurs effectifs. En juillet 1940 était lancée une division québécoise de la Ligue canadienne de santé, une organisation fondée vingt ans plus tôt à Toronto.
La campagne de moralité publique dont nous proposons ici une étude approfondie appartient à la légende de Montréal et au grand récit de sa modernisation, voire à celui de la province. Elle a abouti à la première élection du maire Jean Drapeau (1916-1999), qui allait se maintenir au pouvoir pendant près de trois décennies (1954-1957, 1960-1986) et marquer profondément le visage de Montréal.