« Éditeur en marchant, écrivain en courant »
Avec Justine Lévy, Marie Modiano & Peter von Poehl, Éric Reinhardt, Anne Plantagenet, Isabelle Jarry, Teresa Cremisi, Capucine Ruat, nicole Lapierre, Jean-Louis Fournier...
Animation : Sandrine TreinerJean-Marc Roberts fut l'une des figures les plus flamboyantes des lettres françaises. Écrivain précoce, il publie son premier roman à dix-sept ans et découvre alors ce que sera sa vie : se mettre au service des auteurs et des livres. Immense découvreur de talents, il insufflera à la littérature audace et élégance, ne se souciant jamais de la bien-pensance. Pas de ligne éditoriale, plutôt un air de famille joyeusement recomposée qui lui ressemble. Il publie notamment Vassilis Alexakis, Didier Decoin, Christine Angot, Erik Orsenna, et aussi Nina Bouraoui, Philippe Claudel, Aurélie Filippetti, Jean-Louis Fournier, Brigitte Giraud, Luc Lang, Justine Lévy, Eric Reinhardt, François Taillandier
À l'occasion du 70e anniversaire de sa naissance, cette soirée composera un portrait à son image, vivant et éclectique. Il y sera question de music-hall, de football et de cinéma, de Michel Piccoli et de Nathalie Baye, d'une petite femme et d'un père américain, des émissions de Jacques Chancel, Bernard Pivot et Pierre Desproges, de Hervé Guibert et de Jean Cayrol, de poker, de variétés française et italienne
et bien sûr de fêter la littérature.
À lire Collectif, sous la direction de Capucine Ruat, Je vous ai lu cette nuit. Hommage à Jean-Marc Roberts, Albin Michel, 2023.
Son par William Lopez
Lumière par Iris Feix
Direction technique par Guillaume Parra
Captation par Claire Jarlan
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J’ai déjà clairement conscience que certains moments de la vie ont pour unique fonction de se muer presque instantanément en souvenirs. Tenter de les prolonger leur ferait perdre leur valeur. P 50
Elle planifia de jouer du piano, elle avait remarqué que le temps ne semblait pas si long quand on le revêtait d’une mélodie.
C’était donc décidé, elle l’attendrait en jouant de la musique, et cette idée la soulagea de quelque chose qu’elle ne pouvait exprimer, ni même discerner dans ses pensées. Elle se sentit soudain plus légère sans comprendre pourquoi. P 14
Sourire au matin
A midi
A l'après-midi
A l'oubli
A la lune
Sourire à la nuit
A l'insomnie
Sourire à l'absence.
Tout n’aurait-il pas été plus simple si elle avait juste pu créer de nouveaux souvenirs, sans être obligée de déterrer inlassablement les anciens ? Ceux-là avaient tous une couleur délavée à force d’avoir servi. P 39
L’influence de Marguerite Duras se cache sans doute quelque part, mais je n’en ai pas clairement conscience. On est probablement nourri, à un moment donné, par ses “classiques” sans s’en rendre compte ; ils font partie de vous, au même titre que des pensées, des souvenirs ou des amis.
LA LETTRE
I
Dans la lettre,
Je m’accroche aux mots
Compagnons de voyage.
II
Je laisse un peu de moi-même,
Sans pour autant
Rien retenir.
III
Ni mes craintes,
Ni mon espoir.
…
p.42
La comédienne se ronge les sangs en permanence, ses larmes se mêlent à l’épais fond de teint qu’elle porte chaque soir comme maquillage de scène. L’actrice, elle, a l’air de « ne pas y toucher », elle exerce ce métier mais clame haut et fort, avec un certain accent de sincérité, qu’elle aurait préféré la simplicité d’une autre vie, à la campagne ou dans une petite ville de province. Elle se serait bien vue fleuriste ou archéologue. Elle aime se faire passer pour peu sûre d’elle et modeste, ses yeux de myope sont souvent humides.
Parfois vous croisez quelqu’un qui vous donne l’impression que vous le connaissez depuis toujours, une familiarité venue d’on ne sait où s’installe, alors que vous ignorez tout de lui. Une affection profonde s’empare de vous et vous vous dites que vous pourriez faire le tour du monde avec lui.
Le complexe cinématographique était comme un immense labyrinthe sans fin, une odeur de pop-corn planait à travers ses longs couloirs. Il renfermait plus de quarante espaces de toutes tailles, elle venait de sortir de la salle numéro 23, bien avant la fin du film, un thriller américain qu’elle avait trouvé violent et ennuyeux. Alors qu’elle se laissait descendre sur l’escalator, elle s’imagina soudain rester coincée à jamais dans ce lieu étrange et sans âme, elle pourrait aller de séance en séance et la vie passerait ainsi de manière plutôt agréable.
Il y a une différence bien réelle entre l’actrice et la comédienne, cette dernière, on ne sait pas pourquoi, fait moins rêver les gens que l’autre. L’actrice est légère et superficielle, inconséquente, fragile. Elle refuse de sortir sans maquillage, porte de belles robes, fait du cinéma et aime se perdre dans les bras de multiples amants. La comédienne, quant à elle, est laborieuse, elle est beaucoup moins coquette que l’actrice. Elle se prend au sérieux, cherche, explore. Elle n’est jamais pleinement satisfaite de sa prestation. Elle ne fixe jamais les choses, son jeu est un éternel laboratoire de recherches où elle essaye d’atteindre la perfection, sans jamais y parvenir. La comédienne manque de légèreté, tout en étant peut-être plus spontanée que l’actrice. Mais elle théorise trop souvent son métier et elle a du mal à en rire. Tout ce qui touche à la chair et au plaisir lui provoque un certain dégoût ou bien du désintérêt, car la comédienne n’a qu’un seul amour : le théâtre.