L'interprétation que le journaliste John Soltenberg [...] donne de la solidarité masculine me semble ici pertinente. Il explique comment celle-ci, quels que soient le lieu et le motif pour lesquels elle s'exprime, est une manière pour les hommes de réaffirmer leur appartenance à la classe des hommes en se rappelant les uns aux autres qu'ils ne sont pas des femmes [...]. Cette solidarité existe dès que deux hommes se rencontrent. Ils ont un intérêt objectif, intégré dès leur plus jeune âge, à apprendre à créer des liens entre hommes, à la différence des femmes qui, elles, "vivent dispersées parmi les hommes" (de Beauvoir). Les petits arrangements entre maris et amants semblent s'inscrire pleinement dans cette logique de domination et de renforcement identitaire : ne pas laisser aux femmes l'opportunité de semer le trouble dans l'organisation masculine du monde et parler à leur place.
La croyance en un avenir meilleur chez les femmes [maîtresses] constitue à n'en pas douter l'un des ressorts expliquant que les amours clandestines perdurent. En effet, tout ce qui semble révéler pour elles une avancée de la clandestinité vers l'officialisation est retenu précieusement. Comme l'une de mes enquêté.e.s me le confiait a posteriori : "On prend alors tout pour un signe et un comportement ordinaire est perçu comme extraordinaire."