Dans les sources, le blasphème est souvent associé à des déviances telles que ivrognerie ou la débauche sexuelle et le champs lexical utilisé est celui de l'animalité. Il sert à déshumaniser ceux qui le profèrent. Prononcés le plus souvent dans les lieux douteux (la taverne, les étuves qui servent de bordel public), les paroles blasphématoires peuvent être suscitées par les vapeurs éthyliques ou une colère excessive. Elles attestent un désordre, une incapacité de l'individu à contrôler son corps, ce qui le rend extrêmement dangereux pour l'ensemble de la société. A Dijon, au début du XVe siècle, une certaine Jehotte la Noire est accusée de maquerellage et de faire régulièrement "noise et débat" au beau milieu de la rue. Un jour, que les voisins lui demandent de faire cesser ces scandales, "elle jure la mort de Dieu et plusieurs autres vilains serments en montrant et détournant son cul devant et contre lesdits voisins". Elle est lourdement condamnée pour cela.
L'interdiction faite aux clercs de verser le sang ou d'occasionner une mutilation de membre sous peine d'irrégularité canonique suffit pendant quelque temps à empêcher les clercs d'appliquer eux-mêmes les procédés ordinaires de la torture. Ils recourent au bras séculier, en déléguant cet exercice à un juge civil tout comme ils le font pour application de peines de mort. Mais dans le cadre de la lutte contre les hérétiques, cette forme de dépendance face aux laïcs dérange et en août 1262, une bulle de pape Urbain IV supprime cet obstacle en autorisant les inquisiteurs à se relever mutuellement de tous les cas d'irrégularité qu'ils pourraient encourir, ce qui revient à autoriser qu'ils pratiquent eux-mêmes la torture judiciaire.
Des règles très précises sont fixées à propos de l'administration de cette dernière. Tout d'abord, comme à l'époque romaine, elle ne peut concerner les fous, les femmes enceintes ou les mineurs. Mais, lorsqu'il y a atteinte aux intérêts de l'Etat, du prince, ou que les crimes sont secrets (sorcellerie, hérésie), ces exceptions ne sont guère respectées.
À suivre le parcours de l’évêque Egidius, on doit se demander si le véritable traître dans cette histoire n’est pas Grégoire de Tours lui-même : l’évêque, tout occupé qu’il est à construire un portrait hagiographique de Gontran de Burgondie, saint roi miséricordieux, voire thaumaturge, range tous les opposants à Gontran parmi les traîtres.
La trahison reprochée à Egidius de Reims, insinuée plus que prouvée au cours du procès stalinien qui sert de point d’orgue aux Dix Livres d’histoire, est donc assimilée à un crime de lèse-majesté qui ne laisse à Egidius aucune chance d’échapper, ni à ses juges, ni à la damnatio memoriae.