Harry et lui avaient tout traversé ensemble, comme deux serre-livres : Bill le blond d'un côté de l'étagère et Harry avec ses cheveux bruns ondulés, de l'autre.
J'eus soudain la sensation extraordinaire que dans toute cette épreuve, ce désordre, il était possible d'éprouver de la joie.
L'ambiance est également différente dans les villages. Bill se souvient des Polonaises qui sortaient pour leur donner des boissons chaudes, mais à présent, la plupart des Allemands leur jette des pierres et leur crache dessus.
- C'est pour Dresde, crient-ils. Pourritures d'assassins. [...]
Lors de leur deuxième journée, Bill entend un silence mortel s'abattre sur la procession devant eux, et ils commencent à croiser des hommes et des femmes qu'on a écarté du chemin pour les laisser passer. Ils doivent être environ deux mille. Ils sont en pyjamas et en sabots de bois ensanglantés. Ils ont la tête nue, rasée. Ils n'ont pas de manteaux, pas de sous-vêtements, pas de couvre-chefs, pas de fuss-lag. Ils tremblent de manière incontrôlée et certains se soutiennent entre eux. Ils ont le regard fixé devant eux, ou baissé, et ne se concentrent pas sur les prisonniers, n'attendent rien d'eux. Ils sont alignés de chaque côté de la route, comme un terrible avertissement ; Aussi gelés et affamés que puissent être les prisonniers de guerre britanniques, une situation pire est encore possible. Max essaie de fourrer une croûte de pain dans la main d'une jeune personne, qui pourrait être un homme ou une femme, et l'un de leurs gardes abat la crosse de son fusil sur sa main. Le morceau tombe dans la neige. Bill songe que tout ce qu'ils peuvent leur offrir, c'est un silence respectueux - des prières peut-être, pour ceux qui ont encore la foi.
Pendant un long moment après les avoir dépassés, Bill est hanté par le vide de leur regard. (P.373)
L'interminable file de prisonniers serpente à travers la campagne, où le vent a fait ployer les arbres dans de drôles de positions. On voit la procession se dessiner sur plusieurs kilomètres devant nous - silhouettes noires se traînant dans la neige. [...]
Dans un village ordinaire et sans nom, une femme à la tête couverte d'un foulard propose du gruau d'avoine dont elle remplit nos tasses à la louche. En approchant, je m'aperçois qu'elle n'est pas vieille du tout, peut-être du même âge que ma mère, avec des cheveux devenus prématurément gris. Elle ne me quitte pas des yeux. Mes amis la remercient en anglais et en allemand, et elle répond en polonais. On secoue la tête pour lui montrer qu'on ne comprend pas. Elle traduit lentement en allemand.
- Peut-être... une mère... fera ça... pour mon fils, dit-elle.
(P. 345)
Tu dois vivre. Raconter aux gens ce qu'on a vu. T'assurer que ça n'arrive plus jamais. Tu as une mission.