Je suis restée parce que je suis déjà morte. Je suis morte le 24 janvier 2012 peu après minuit dans le souterrain d’une gare.
Je déboutonne enfin
Le manteau de silence
Qui cache et enveloppe
Mes désirs les plus fous.
Je parle hurle et crie
Ces années de mutisme,
De sérénité feinte
Nappées d’insignifiance.
Avant toute autre chose il faut que j’élabore
Un lexique adéquat pour pouvoir, par mes mots
Brosser le paysage, installer un décor
Digne de la saveur et du grain de ta peau.
Mais moi, j'avais pas peur. Je savais bien qu'il allait me rosser ou essayer de m'étrangler une fois de plus, mais ça ne m'effrayait pas. Je lui avais dit que j'avais l'habitude et que j'arrivais à sortir de mon corps pour pas avoir trop mal, il suffirait que je le fasse encore une fois.
Avant, j’étais un homme…
J’ai gardé les yeux clos alors qu’ils balançaient
Des chapelets d’humains dans les flots déchaînés
Pendant qu’une nourrice — enfant à la mamelle —
Se jetait à son tour pour trouver le repos.
La classe, c’est une meute, comme les loups. Quand un enfant est à l’écart du groupe, il ne peut plus y revenir.
Il n’y a pas pire aveugle que celui qui refuse d’ouvrir les yeux.
- C'est une psychopathe.
- Tu ne peux pas dire ça. D'ailleurs, on ne parle pas de psychopathie avant l'âge adulte.
- Alors quoi ? On le devient subitement à la majorité ?
Si écrire, c'est se dévoiler un peu, être lue, c'est exister.
D’ordinaire, il y avait une fille par cellule. Les filles, elles étaient choyées : elles avaient une chemise de nuit que je changeais tous les deux jours et une culotte quotidienne. Je leur brossais les cheveux au début et puis après, je leur laissais une brosse sur le lavabo, à côté du dentifrice. Sur la table de chevet, il y avait aussi la télécommande pour la télé qui se trouvait dans le couloir, accrochée au plafond près du mur. Le Père, il l’avait placée de telle façon qu’elles pouvaient la voir de leur lit. Il aimait que les filles puissent regarder la télé surtout au début quand elles arrivaient. Elles guettaient la moindre info qui parlait d’elles et elles voyaient que, plus les jours passaient, moins elles y étaient présentes… Ça suffisait à les adoucir. Une fois par semaine, je m’occupais de leurs poils. Les bras, les jambes et tout le corps. Le Père, il achetait des bombes « Spécial Épilation ». Y avait juste à vaporiser, à attendre que le boulot se fasse pis à rincer à la douche. Au début, j’étais obligée de les attacher pour le faire parce qu’elles se débattaient comme des diablesses, mais après quelques jours elles se laissaient faire sans broncher. Quand elles étaient sèches, je leur mettais de la crème, celle qui sent bon, qu’on met pour les bébés. J’aimais cette odeur… Le Père, lui, il aimait juste que les filles soient propres.