- La plupart des gens sont comme des chewing-gums
- Jetables, tu veux dire ? (...)
- Non. De moins en moins intéressants.
On ne disait plus ‘maniaco-dépressif’, bien sûr. On était censé croire que la stigmatisation de la maladie mentale était de l’histoire ancienne, mais Karl avait eu le sentiment qu’au fond d’eux, la plupart des gens pensaient comme Barton. Et aucune campagne de dédiabolisation, même bien orchestrée, ne pourrait faire disparaître la peur, l’effroi et la honte. L’ombre d’une rumeur de maladie mentale était à elle seule terrorisante, et Geneviève était directement touchée.
On est effroyablement à la traîne, concernant les dents, dans ce pays, renchérit Janna. On ne les relie pas à la santé en général. La plupart des gens ont les dents dans un tel état qu’ils feraient aussi bien de se balader avec des déchets radioactifs dans la bouche. Prenez n’importe quelle maladie: une fois sur deux, ça vient des dents ou des gencives. Vous utilisez du fil dentaire ?
L’éclairage du frigo de Janna et Su confinait à l’œuvre d’art. On se serait cru dans un cabinet de curiosités ou une librairie indépendante. Karl l’apprécia tout particulièrement avec la cuisine plongée dans l’ombre. Il déposa trois tortellinis froids et deux tomates cerises sur une grosse tranche de jambon et en fit un tube.
- Tu es de quel côté, au juste ?
- Du côté de personne. C'est une institution. Les institutions ont leurs défauts, Karl ; mais au fond, ce ne sont que des instruments et des structures. Il n'y a ni bien ni mal, aucune dimension morale. Ça n'est pas le sujet.
Genevieve n'est pas entre les griffes de qui que ce soit, elle est engagée dans un programme de réhabilitation, et elle s'en sort plutôt bien.
- Et si ce système servait à ... à une sorte de nettoyage social ? (...) S'il s'agissait en fait d'un système pour identifier les personnes adéquates et balancer le reste aux ordures ? Moi je ne fais pas partie des personnes adéquates. Je le sais !
Je me fais une FIERTE de ne pas en être, mais qu'est-ce qui se passera, s'ils décident que Genevieve non plus n'en fait pas partie ?
- Tu t'emportes. Arrête de t'exciter comme ça.
C’est censé être le journal des gens cultivés et pauvres, sauf qu’on est pas du tout représentés. Les journaux s’adressent à la tranche la plus aisée d’une fraction déjà infime de la société.
– On passe tous la plus grande partie de notre vie à rêver de l’avenir qu’on estime mériter, dit Janna.
La Loi de Poe implique que la parodie et le réel deviennent peu à peu indifférenciables
C'est toujours édifiant de retourner les choses, et de voir si ça colle.