Anne-Sophie était un peu trop vieille – avait-elle plus de 35 ans, pourtant ? –, pas assez belle, et surtout elle était souvent un peu à côté de la plaque. Elle n'avait pas les codes de cette société. Une fois, lors d'une soirée comme celle-ci, médiocrement maquillée et mal fagotée, elle avait, au milieu de jeunes Sciences Po Paris outrés, défendu avec émotion un point du programme économique de Nicolas Sarkozy ou de François Fillon – et elle l'avait fait, suprême outrage, incompréhensible absurdité – non pour l'agrément de la conversation, non pour le plaisir de la joute verbale, non, elle l'avait fait pour répondre à quelque parole injuste ou excessive, pour défendre une conviction intime. Elle en était devenue rosée de colère. C'était gênant. L'accent de sa Toulouse natale, habituellement si discret – « Oh, c'est charmant ce petit accent » – était, à l'improviste, devenu plus intense. Les Parisiens ont dû voir une sorte de verni craquer : Oh la Provinciale ! Oh la plouc ! Défendre une conviction ! Quelle idée ! Quelle sottise ! Dieu nous en préserve ! Qu'il préserve nos salons des discours hérétiques, et des conversations désagréables.
Malgré les objurgations courroucées des avocats de l'accusé, qui faisaient valoir que rien n'était avéré et que ces opérations complexes devaient faire l'objet d'un examen approfondi, il devenait clair que le public et les jurés avaient résolu qu'il devait y avoir eu fraude car il y avait beaucoup d'argent associé à beaucoup de complexité.
Si je te dis de me parler des femmes, tu vas m'offrir un topo sur les femmes que tu as le plus aimées, il t'ait peut-être même arrivé de baiser quelques fois, mais tu ne sauras pas me décrire ce que c'est que de se réveiller près d'une femme et de se sentir vraiment heureux.