Coup de Coeur de Thomas (Librairie L'Amandier à Puteaux) pour Les Rues de Laredo de Larry McMurtry.
![](/couv/cvt_Lonesome-Dove-tome-1_5515.jpg)
Lorsque Augustus sortit sous le porche, les cochons bleus étaient en train de manger un serpent à sonnette - un spécimen de taille modeste. Le serpent devait ramper à la recherche d'un peu d'ombre quand il était tombé sur les cochons. Ils se le disputaient âprement et il était clair que le crotale ne sonnerait plus jamais. La truie le tenait par le cou et le verrat par la queue.
-Fichez-moi le camp, sales bêtes, s'écria Augustus en donnant un coup de pied à la truie. Allez-vous-en au ruisseau si vous voulez bouffer ce serpent.
C’était l’ombre du porche qu’il leur disputait, pas le serpent. Les cochons sous le porche ne faisaient qu’ajouter à la chaleur et il faisait déjà assez chaud comme cela. Augustus descendit dans la cour poussiéreuse et se dirigea vers le bâtiment qui abritait la source pour y prendre son cruchon. Le soleil était encore haut dans le ciel, aussi entêté qu’une mule, mais il suffit à Augustus d’un bref coup d'œil pour voir qu’à l’ouest la longue lumière déclinait déjà d’une manière encourageante.
(Incipit)
Il aimait les nuits claires et détestait les nuages - quand le temps était couvert, il se sentait privé de la moitié du monde.
En revanche, il était convaincu que les Indiens comprenaient la lune. Il n'en n'avait jamais parlé avec un Indien, mais il savait que leur peuple avait beaucoup de plus de noms pour la designer que n'en avaient les Blancs, ce qui était pour lui le signe des affinités profondes qu'ils entretenaient avec elle. Les Indiens avaient moins d'activités que les Blancs et avaient naturellement plus de temps à consacrer à l'étude de l'astre nocturne.
Une fois, vingt ans plus tôt, il avait eu le béguin pour une fille du nom de Betsie et il avait hésité à lui proposer d'aller faire une promenade, un soir. Mais il était timide, et le temps qu'il se décide à formuler sa demande, Betsie était morte de la variole.
– J'ai dit qu'on devrait se marier [...] En plus, vous êtes maigre. Si vous mourez, au moins vous serez pas difficile à enterrer. J'ai enterré assez de maris pour savoir apprécier ce genre de choses.
(...) si l'on ratait le lever du soleil sur Lonesome Dove, il fallait ensuite attendre un sacré bout de temps dans la chaleur et la poussière avant de voir quelque chose d'aussi beau.
— Je veux pas voir de cochons ici [...] C'est trop intelligent. J'ai pas envie de m'encombrer d'animaux avec lesquels il faut finasser, je préfère cultiver la terre.
— C'est mon ragoût de bestioles, Capitaine, expliqua Maude.
— Oh, quel genre de bestioles ? demanda-t-il poliment.
— Tout ce que les chiens attrapent, répondit Maude. Ou bien les chiens eux-mêmes s'ils se débrouillent pas pour attraper quelque chose. Je supporte pas les chiens qu'en foutent pas une.
Selon son habitude, Augustus, assis sur sa chaise, avala une bonne quantité de whiskey en regardant le jour décroître. ll se balançait sur son siège et levait le coude en alternance. Les journées à Lonesome Dove étaient embrumées par la chaleur et d'une sécheresse de craie que le whiskey atténuait partiellement. L'alcool répandait en Augustus une agréable sensation de brouillard mouillé, aussi fraîche et brumeuse que l'aube sur les collines du Tennessee. Il se saoulait rarement pour de bon, mais il appréciait cette sensation de flou tandis que le soir tombait et que les delicieuses lampées de whiskey entretenaient sa bonne humeur pendant que le ciel se colorait à l'ouest.
La plupart des gens sont prêts à n'importe quoi pour éviter la peur suscitée par le combat.