Citations de Kim Harrington (12)
On a compris quel était le don de Perry le jour où, à l'âge de douze ans, il a simplement dit à maman que grand-mère nous passait le bonjour. Le fait qu'elle soit morte était un indice de taille.
Elle allait lire dans mes pensées.
Alors j'ai concentré toute mon énergie sur un message que j'ai répété en boucle : Bas les pattes, sale télépathe !
Elle a penché la tête de côté en poussant un soupir.
-Reste polie, Claire
La "petite course" que devait faire maman sur le chemin du retour a en fait nécessité quatre arrêts pour dénicher un shampooing dont un blog de hippies disait le plus grand bien. 100% naturel, non testé sur des animaux, mis en bouteille dans un pays respectable, contenant des extraits d'une certaine feuille poussant sur une certaine montagne. Retenue en otage dans la voiture, je faisais passer le temps en échafaudant un plan: tout d'abord vider le flacon et y verser un shampooing de supermarché et attendre de voir si elle remarquait la différence. Bien sûr, à peine assise dans la voiture avec l'objet convoité, elle m'a dit que je perdais mon temps avec mes jeux puérils.
C'est vraiment pas drôle d'avoir une mère télépathe.
-Tu n'en as pas vraiment conscience, hein ?
-De quoi ? ai-je répondu interdite.
-C'est ta différence qui te rend si belle.
Je me suis arrêtée de respirer. J'ai cherché son regard, et j'ai lu la sincérité dans ses yeux. Ses yeux sublimes. Ses yeux de braise. Mon cœur battait la chamade.
Mais si les gens avaient pris la peine de se débarrasser de tous ces préjugés, ils auraient été surpris de découvrir que j'étais une fille normale. Une fille qui n'avait pas envie de passer le reste de sa vie sur la défensive. Qui désirait ce que tout le monde voulait.
Etre aimée.
Seuls Justin et Gabriel étaient là, debout devant le bureau, où trônait un sac en plastique qui a immédiatement attiré mon attention. Oui mes yeux se sont posés sur les garçons. Les voir tous les deux réunis, ça m'a fait un choc, plus puissant que la caféine de mon Coca light du matin. Deux mecs canons. Malheureusement, l'un des deux étaient un crétin fini.
- Justin. Gabriel. Bonjour.
- Claire ? Qu'est-ce que tu fais là ? a demandé Gabriel, l'air paumé.
- Vous vous connaissez ? s'est écrié Justin, l'air paumé aussi.
- Attendez, deux secondes, a dit Gabriel, une main sur le front. Claire Fern. Claire ? Claire et Claire Fern sont une seule et même personne ?
Mon sourire commençait à vaciller.
- Oui, en effet. Pourquoi ?
- Alors c'est toi, la cinglée ?
Au lieu de rétorquer, il s'est contenté de sourire.
- Il y a un client dans la salle de lecture.
- Pourquoi tu ne l'as pas dit plus tôt ? a dit maman.
- Il ne veut voir que Claire, a t-il précisé avec un sourire énigmatique.
- Bien, a dit maman. Alors dans ce cas, je file prendre une douche et essayer mon nouveau shampoing.
Il n'était pas inhabituel qu'un seul d'entre nous soit demandé. Parfois, un client revenait avec une question bien précise en tête et n'avait besoin que de moi, ou de Perry. J'ai frappé à la porte et suis entrée en souriant, prête à saluer mon client. Mais mon sourire n'a pas tardé à se transformer en grimace, et les mots m'ont échappé.
- Salut, Ducon.
Jamais je n'aurais cru tomber amoureuse à seize ans. Je m'étais même dit que je n'embrasserais personne avant de partir pour l'université, où je n'aurais aucun passif, où personne ne me connaîtrait. Je n'ai jamais pris au sérieux les béguins que j'avais pour les mecs mignons du lycée, parce que je savais que j'étais intouchable. Non que je sois laide: à en croire les regards que me décrochaient certains garçons, je ne devais pas être moche. Mais aucun d'entre eux n'avait le cran de se dresser contre la pensée majoritaire et de sortir avec une cinglée. À part Justin. Lui me voyait de ses propres yeux et non à travers le jugement des autres. Il se fichait de mon statut un peu à part; c'est même ce qui l'avait attiré chez moi.
La porte de la chambre de Perry était entrebâillée. Je m'en suis approchée à pas de loup, mon coeur pulsant à cause de l'adrénaline, téléphone et couteau prêts à servir. J'ai pris une profonde inspiration et j'ai donné un grand coup de pied dans la porte.
Perry a hurlé.
J'ai hurlé.
- Mais qu'est-ce que tu fous? a-t-il crié.
- Et toi, qu'est-ce que tu fous?
- Attends, c'est toi qui as un couteau et le ...
Il s'est interrompu en levant un sourcil.
- Tu comptais faire quoi, me tabasser à coups de téléphone sans fil?
J'ai levé les yeux vers le combiné, que je tenais à bout de bras.
Sa coiffure évoquait le coup de doigt fiché dans la prise électrique. Le meilleur démêlant aurait reculé devant l’ampleur de la tâche.
La plupart du temps, elle a l’air d’une petite hippie inoffensive, mais ses colères froides pourraient amener une palourde à se jeter de son plein gré dans un court-bouillon.
-Et tu t’attendais à quoi ? A voir des poupées vaudoues pendues au plafond ?
-Juste une petite, à mon effigie.
-Celle-là, elle est cachée sous mon lit.