Citations de Katherine Webb (67)
J’ai décidé d’accepter de ne pas tout comprendre, de ne pouvoir combler tous les blancs. Le passé engloutit certaines choses, d’où la fascination qu’exerce son mystère.
- "Pourtant quand la maladie de l'âme nous désespère, les poètes sont de vieux médecins réputés, qui, à notre esprit tourmenté, offrent en remède les exemples du passé." Est-ce là ce que vous espérez? Que la maladie de mon âme soit guérie par la poésie?
- Peut-être pas guérie. Seulement soulagée. Qui a écrit les vers que vous venez de réciter?
- Sir William Davenant.
- Dans ce cas vous devez connaître un peu de poésie et y prendre plaisir. Ou vous y avez pris plaisir autrefois.
- Je connaissais quelqu'un qui aimait cela, dit Jonathan.
Il ferma les yeux avec lassitude, et Rachel recommença à lire.
Starling déglutit. Chaque fois qu'elle pensait aux mots que Jonathan avait écrits, elle éprouvait une bouffée de profond chagrin, furieuse et indignée que le monde se soit révélé aussi laid et aussi cruel, alors qu'Alice lui avait appris à penser qu'il était juste et beau. C'était un sentiment froid et écrasant.
Cet endroit était comme un portail, un point d'entrée dans une myriade d'autres mondes, songea t-elle. Un endroit où le temps et le sens des mots et des évènements variaient d'une personne à l'autre, et où les mondes qu'elles habitaient, réels, passés ou imaginaires convergeaient.
Le rire de Meredith résonnait très rarement. Même à l'occasion du bal de l'été ou des dîners qu'elle donnait parfois - interdits aux enfants, aussi sortions-nous à pas de loup de nos lits pour écouter aux portes - je l'avais à peine entendu. Elle se bornait à sourire ou à émettre un bruit de gorge quand quelque chose lui plaisait. Comme la plupart des petites filles, le rire m'était aussi naturel que la respiration. J'en avais conclu, je me rappelle, que cette faculté s'atrophiait avec l'âge, comme si le rire était une bobine de rubans multicolores lovée en soi qui disparaissait une fois dévidée.
A quel âge commence-t-on à prêter attention au froid, à l'humidité, à la gadoue ? Sans doute au même qu'à celui où on cesse de vagabonder.
Je ne supporte pas l'idée que l'on jette à la poubelle les fragments de nos vies, comme autant de rebuts.
[...] Ce n'est pas la force des coups qu'on peut balancer qui fait gagner, c'est la force de ceux qu'on peut encaisser.
"Perdre un enfant... je suis incapable d'imaginer ce qu'on peut ressentir. Un enfant dont le destin est de grandir, de devenir un adulte accompli, tandis que l'amour qu'on éprouve pour lui a eu le temps de s'approfondir. Pour moi, c'est inimaginable.
"Vous voulez bien raconter une histoire pendant que je travaille ?" (...)
"Quelle genre d'histoire ?
- Ça n'a pas d'importance. Une histoire de votre peuple."
Ne sachant trop à quel peuple elle appartenait, Caroline lui raconta l'histoire d'Adam et Eve dans le jardin d'Éden. La traitise du serpent, la délicieuse pomme, la chute. À la fin, elle posa son ouvrage et décrivit la honte qui s'était emparée d'eux lorsqu'ils avaient pris conscience de leur nudité, leur quête fébrile pour trouver de quoi la dissimuler. Les yeux pétillants, Magpie pouffa, ce qui gonfla davantage ses joues.
" C'est une belle histoire, madame Massey. Un missionnaire à raconté la même à mon père, vous savez ce qu'il a dit mon père ?
- Qu'a-t-il dit ?
- Que c'était une réaction de Blanche. Une Indienne aurait ramassé un bâton, tué le serpent et tout serait redevenu merveilleux dans le jardin."
J'avais oublié le silence de la campagne, il me déconcerte.
Le manoir nous appartient désormais ; les douze chambres, les plafonds démesurés, le majestueux escalier, les pièces du sous-sol aux dalles patinées par des pieds serviles. Tout est à nous. À condition que nous y vivions. C'est ce que Meredith souhaitait depuis toujours. Meredith, notre grand-mère, rancunière et mesquine. Elle voulait que notre mère vienne s'y installer avec nous tous, et la regarde mourir. Meredith à réagi au refus de maman en rompant ses liens avec elle, de sorte que nous avons pu continuer à mener une vie heureuse à Reading. Si nous n'y emménageons pas, le manoir sera vendu et l'argent versé aux bonnes œuvres. Meredith : une philanthrope par-delà la tombe, par esprit de contradiction.
Comment ne pas les mépriser quand je me vois forcée par le hasard de ma naissance et les règles qu'ils ont édictées, de me plier à leur moindre caprice pendant qu'ils se prélassent à longueur de journée et ne sont pas fichus d'accomplir la moindre tâche ?
"Il existe quelquefois un coin réservé aux tombes d'enfant..." Maman désigne le fond du cimetière. "Essaie là-bas, tu vois ? Sous le hêtre."
Je m'approche rapidement de l'arbre dépouillé que le vent balaie avec un mugissement évoquant la mer. Une quinzaine ou une vingtaine de tombes s'y trouvent. Sur les plus anciennes, des chérubins, aux traits effacés par le lichen, étreignent tristement la pierre de leurs bras potelés. Sur les plus récentes, ils sont remplacés par des nounours, gardiens moins célestes qui détonnent. J'imagine que c'est volontaire. Un cimetière n'est pas un lieu pour les enfants. Autant de vies avortées, de pertes qui ont déchiré l'âme de parents - cœurs brisés inhumés auprès des petits corps qui les avaient brisés. C'est mélancolique. Je me dépêche de lire les noms et des dates puis m'éloigne en frissonnant du lugubre petit groupe.
- Je crois que je pourrais m'y faire, pourtant. A la vie à la campagne, et tout ça. Je veux dire, c'est beau, ici. ça doit être bénéfique pour l'âme.
- Reviens un jour de pluie, en janvier, et vois si tu es toujours du même avis.
Au fond de la propriété, au point de jonction entre ses limites et les collines, il y avait une mare d'où partait le ruisseau qui coullait a travers le village. Profonde, étale, ombragée. Par une journée nuageuse comme celle-ci, mêlée d'eau de pluie, ce serait une cachette idéale où enfouir un secret.
je ne veux pas être oublié c'est donc là la différence entre les hommes et les femmes la raison pour laquelle les hommes excellent tandis que les femmes se contentent d'exister pour laquelle ce sont les noms des hommes qui restent dans l'histoire......
Le lendemain de Noël, à mon réveil, j'entends des voix dans la cuisine, le raclement de la bouilloire sur le fourneau, le robinet en train de couler, le bruit sourd de l'eau dans les tuyaux du mur près de mon lit. Cela ressemble tellement aux matins de mon enfance que je reste couchée, en proie à la sensation vertigineuse de remonter le temps
"Un jour de tempête où la mer était déchaînée, elle regarda les hautes vagues marteler le rivage, s'imagina tous les marins et pêcheurs noyés depuis l'aube des temps tourbillonnant dans les profondeurs marines telles des feuilles d'automne poussées par le vent."
Minuscule, elle ressemblait à un oiseau et était d'une minceur et d'une fragilité telles qu'il semblait à peine concevable qu'elle tienne debout sans assistance.
De fines mèches de cheveux blancs formaient comme un aigrette de pissenlit sur son cuir chevelu ridé.