Jordan Ifueko on Her YA Debut Novel RAYBEARER
- Pourquoi est-ce que tout le monde déteste autant que les choses changent ?
- Parce qu’elles risquent de changer pour le pire.
- Oui, peut-être. Mais tu sais ce que je crois ? (Ma poitrine palpitait.) Je crois qu’au fond, on a peur qu’elles changent pour le meilleur. Peur de découvrir que tout ce qu’il y a de mauvais- toutes les souffrances qu’on refuse de voir – aurait pu être évité si on avait fait l’effort d’essayer.
— Aiyetoro ? C'est elle qui a fait construire la bibliothèque ?
— Oui. Aiyetoro Kunléo tenait beaucoup à rendre le savoir accessible au public. À mon humble avis, elle y accordait même trop d'importance. La connaissance devient dangereuse quand elle est mise dans les mains des mauvaises personnes.
-Pourquoi les gens détestent-ils autant que les choses changent ?
-Parce qu'elles risquent de changer pour le pire.
-Oui, peut-être. Mais tu sais ce que je crois ? (Ma poitrine palpitait.) Je crois qu'au fond, on a peur qu'elles changent pour le meilleur. Peur de découvrir que tout ce qu'il y a de mauvais - toutes les souffrances qu'on refuse de voir - aurait pu être évité si on avait fait l'effort d'essayer.
-C'est plutôt sombre, comme vision du monde.
Les chants blessidi avaient la particularité de vibrer dans la gorge du chanteur, ce qui permettait de les entendre à des lieues dans le désert. La chanson de Kirah s'éleva dans la nuit, si stridente que je voyais les notes s'enrouler autour des étoiles. Elle chanta des berceuses pour ralentir le flux de sang, des trilles aigües pour repousser l'infection, des chants de tisserand pour reconstituer les chairs. Mais sa dernière mélopée, la plus longue, fut l'appel d'une mère à sa fille malade : un chant pour persuader l'âme de rester dans le corps.
Ni rubis pour la tête de ma petite fille, ni satin pour ses pieds,
Je ne peux lui offrir, ni châteaux, ni prince grand et brun.
Mais, mon enfant errante, viens retrouver ta couche,
Aux draps parfumés de fleurs mauves,
Car le lait de Chamelle ne sort pas des châteaux
Et avec mes baisers je te tresse une couronne.
Il détestait tout cela autant que moi. Je le lisais sur son visage, figé par la peine. Mais nous étions des griots dans une pantomime, contraints de chanter chaque vers de ce récit sordide, en dansant au rythme des tambours que frappait ma mère.
Mais nous restâmes à distance, à nous fixer comme pour séparer en nous les paillettes d'or de la boue. Pour obtenir le reflet froid et limpide de ceux que nous étions vraiment, bons et monstrueux à la fois.
Mais autorité n'est pas synonyme de pouvoir. Pas totalement. Il faut aussi des ressources, les moyens d'agir sur la durée, le soutien du peuple.
D'accord, on ne mérite pas les fardeaux que nos parents nous ont légués. Mais on ne peut pas vaincre un monstre si on refuse de l’affronter.
- Les histoires sont faites pour être partagées, me dit doucement Melu.
Mais personne n'a jamais été fait pour quelqu'un d'autre, Tarisaï.
Je n'ai jamais compris pourquoi les mortels compliquaient toujours autant les choses. Le Récit d'Am est pourtant simple : hommes et femmes sont égaux, conçus pour travailler côte à côte. Mais dès qu'il est question de pouvoir, les mortels détestent la simplicité.