A l'automne 1936, un professeur de musique de trente-six ans, venant de Bad Warmbrunn en Basse-Silésie, fit soudain son apparition dans un village du Dorset. Dans ses bagages, il y avait deux choses : une guitare et un portrait à l'huile de Johann Sebastian Bach. A l'image du vieux Vitus Bach, le fondateur du clan, qui avait fui l'Europe de l'Est quatre siècles auparavant pour des raisons religieuses, Walter Jenke avait quitté l'Allemagne au moment où l'on interdisait aux Juifs de pratiquer certains métiers.
En Italie, il y eut les Scarlati, en France, les Couperin, en Bohême, les Benda. Mais c'est en Thuringe, dans le coeur provincial de l'Allemagne, que l'on retrouve le plus vaste réseau de musiciens professionnels de toute l'histoire de la musique occidentale : les Bach.
Parmi les compositeurs du XXe siècle, on dit que Chostakovitch composait ses symphonies directement sous forme de partitions d'orchestre, sans même faire de brouillon, sous prétexte qu'il n'avait pas le temps de faire des erreurs, ne pouvant tout simplement pas s'offrir le luxe de se tromper. Bach était du même genre.
On a calculé que Bach avait eu chaque année la responsabilité de soixante et un concerts profanes de deux heures avec le collegium pendant au moins dix ans, ce qui représente plus de mille deux cents heures de musique, comparés aux huit cents heures résultant de production de cantates d'église, durant environ une demi-heure, pendant les vingt-sept ans qu'il passa comme cantor à Saint-Thomas.