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Citation de MegGomar


« On ne peut apprécier la danse des masques sans bouger de sa place. »
Dans l’esprit de ce proverbe igbo, nous tenons à croiser les points de vue
pour réduire les angles morts. Toutefois, pour ce qui est de l’Afrique
contemporaine, nous privilégions le fait qui nous semble le plus structurant,
à savoir l’exceptionnelle jeunesse de la population : plus de 40 % des
habitants du continent ont moins de quinze ans *2. Une pyramide des âges
aussi large à sa base est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. À titre
de comparaison : en France, pourtant un pays jeune sur le Vieux Continent,
cette proportion est de 18 % ; au Brésil, de 21 %. Cette particularité dans la
géographie humaine de l’Afrique entraîne des conséquences dans tous les
domaines de la vie, pas seulement dans l’éducation nationale ou sur le
marché du travail. Par exemple, elle transforme le droit de vote en un
privilège d’âge lorsque bien plus de la moitié de la population est d’emblée
exclue des urnes et, donc, du jeu démocratique. Ou encore, dans le domaine
sanitaire, elle explique la forte prévalence du sida et, inversement, l’impact
apparemment limité du coronavirus au sein des populations très jeunes au
sud du Sahara.
La jeune Afrique est le résultat d’une forte croissance démographique
sur près d’un siècle. Le nombre des habitants du continent est passé de
150 millions dans les années 1930 à 1,3 milliard aujourd’hui. À présent,
l’Afrique du Nord et l’Afrique australe sont en train d’achever leur
transition démographique, c’est-à-dire le passage de familles étendues dont
les membres ont une faible espérance de vie à des familles plus restreintes
mais dont les membres jouissent d’une espérance de vie plus longue. En
revanche, dans une quarantaine de pays au sud du Sahara, chaque nouvelle
génération est encore sensiblement plus nombreuse que la précédente. Et
même si, par extraordinaire, le planning familial y était adopté par tous du
jour au lendemain, la croissance de la population s’y poursuivrait encore
pendant plusieurs décennies du fait de l’inertie propre aux changements
démographiques. D’où la prévision médiane des Nations unies que nous
reprenons à notre compte dans notre sous-titre : dans trente ans, l’Afrique
comptera probablement 2,5 milliards d’habitants 2.
Le quasi-doublement de la population africaine d’ici à 2050 va décupler
et les défis et les opportunités sur le continent, notamment au sud du
Sahara. Dans l’absolu, on pourrait penser que l’Afrique bénéficiera de la
vitalité de sa jeunesse, d’un élan pour se projeter dans l’avenir que
devraient lui envier, par exemple, le Japon et bien des pays européens aux
populations vieillissantes. Mais toute la question est de savoir dans quelle
mesure cette force de la jeunesse sera productrice ou destructrice, bénéfique
ou néfaste. Car, de deux choses l’une : soit l’Afrique trouve les moyens
pour adéquatement nourrir, loger, former et employer tous ses jeunes, et elle
pourra engranger un « dividende démographique » ; soit le nombre accru de
ses habitants ne cessera de diviser sa richesse per capita déjà toute relative,
et les conflits sur le continent risquent fort de s’exacerber. Quoi qu’il arrive,
le poids de l’Afrique dans le monde ne sera plus le même en 2050.
Aujourd’hui, le continent représente moins d’un sixième de la population
mondiale ; dans trente ans, il abritera plus du quart de l’humanité. Le niveau
de son développement, de sa stabilité politique ou de son état sanitaire, le
rythme auquel l’Afrique migrera en dehors de ses frontières ou le degré
auquel elle contribuera à la (dé-)pollution de la planète – alors, moins que
jamais, ces questions ne pourront laisser indifférent le reste du monde. À
commencer par l’Europe de l’Ouest qui, en 2050, comptera toujours
environ 500 millions d’habitants, dont l’âge médian tournera autour de la
cinquantaine. De l’autre côté de la Méditerranée, les Africains seront cinq
fois plus nombreux ; deux sur trois d’entre eux auront moins de 15 ans.
Ce face-à-face sera-t-il fraternel ou conflictuel ? C’est la véritable
ambition immodeste de cet ouvrage, au-delà du défi de répondre à cent
questions dont chacune mériterait un livre : mieux faire connaître l’Afrique,
dans l’espoir que cela augmentera les chances d’un bon voisinage entre les
deux continents.
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