Citations de Jean Streff (33)
Tous ceux qui le connaissent intimement l'appelle "Tonton Ficelle". C'est en effet, un spécialiste du bondage. C'est-à-dire qu'il vous ligote une femme en moins de temps qu'il n'en faut à votre boucher pour préparer un rosbif. Mais attention, ne vous fiez pas à la comparaison. Tonton Ficelle est un artiste. Une sorte de Léonard de Vinci du corps entravé. Chaque "bondage" est préalablement étudié, avec planches anatomiques et croquis à l'appui. Quant à l'exécution, quatorze ans de pratique assidue en ont fait un véritable maître ès ficelage. Il manie le ciseau comme un magicien sa baguette et le plus dextre des marins resterait béat devant sa science du noeud.
Tout s'accorde pour inscrire le cocu, mari ou amant servile et bafoué, son créateur, scénariste ou metteur en scène prônant et exhibant son malheur, et le spectateur s'en délectant, dans la sphère du masochisme.
Il suffirait d'oublier cet "a priori" de "nature masochiste de la femme" et le masochisme de l'homme ne serait plus la manifestation de tendances féminines.
On a tous rêvé de liberté : de l'avoir, de la prendre, de la donner; le rêve étant, des choses humaines, la mieux partagée et la liberté, des biens, le plus rare.
Mais le rêve est aussi par définition un leurre et la liberté une utopie. Alors qui sont donc ces êtres singuliers, ces bizarres, ces déviants, ces "pervers" qui s'octroient la réalisation du rêve et la liberté du plaisir?
Enfin un dernier point fait d' "Exhibition N° 2" un film remarquable pour le sujet qui nous intéresse : il s'agit de la réaction de la dame dont l'esclave a reçu l'ordre de lécher les bottes. Elle refuse, puis devant les nouveaux sévices qui sont infligés à Jan, ne tarde pas à éclater en sanglots et à avoir une crise de nerfs. À Sylvia qui la questionne et la pousse dans ses derniers retranchements, son amie finit par avouer que "cela la dépasse". Je propose à l'éventuel Tartuffe, attiré par son titre et égaré dans ce livre, de méditer cette réponse.
Des symboliques "chaînes de l'amour" le masochiste veut être réellement entravé.
Fort du masochisme de ses victimes, le vampire n'hésite pas à leur imposer des pratiques d'exemplaire soumission dont l'évident symbolisme sexuel ne trompe, en l'occurrence, ni l'heureuse élue, ni le spectateur : dans "Dracula, prince des ténèbres" (Terence Fisher, 1965), Christopher Lee, après s'être entaillé la peau avec l'ongle de son auriculaire, invite Diana (Suzan Farmer) à sucer son sang. La fellation fait, on le sait, partie des techniques de base du masochisme féminin et Dracula, en dominateur accompli, ne saurait priver ses partenaires soumises d'un tel plaisir.
Le masochisme chevalin n'a pas de frontières, ni de temps, ni d'espace.
"Dans le masochisme, le cours typique de l'excitation sexuelle tend à réduire la tension pour l'empêcher de se résorber en un orgasme satisfaisant et la garder plutôt en puissance" (T. Reik). Au cinéma cela s'appelle le "suspens".
[...] la fessée est certainement la plus bourgeoise de toutes les perversions, une sorte d'encanaillement mondain toléré entre mari et femme.
OLIVIER - C'est surprenant quand même... C'est eux qui te disent, qui te dictent tes paroles...
ARIANE - C'est eux qui me demandent ce qu'il faut faire, puis c'est à moi d'améliorer, d'inventer... de rentrer dans leur folie, dans leur histoire...
[Extrait d'un dialogue de "Maîtresse", Barbet Schroeder]
Dans les près de cinq cents films que j'évoque dans cet essai, presque aucun ne montre, la grande majorité suggère. D'une certaine façon, ce livre est une archéologie de l'image au cinéma. Archéologie certes très orientée, hiérarchisation onirique de mes propres obsessions, regard inédit sur la transgression des images dans le septième art, création autant culturelle que populaire.
En vérité le mythe de la "folle" était valable du temps où l'on considérait encore l'homosexualité comme un vice ; il permettait à la majorité bien-pensante d'être à bon compte rassurée sur son voisin. Maintenant que les homosexuels ont presque, je dis bien presque, droit de cité, la provocation n'a plus cours et est même condamnée par les intéressés eux-mêmes.
Comme si le ou la masochiste faisait de la phrase de Nietzsche : "Car toutes les joies demandent l'éternité", l'une des bases de sa vie sexuelle.
Est-il possible à un adulte, mâle ou femelle, normalement constitué de donner ou recevoir une fessée sans en être sexuellement excité ?
En vérité le masochisme de la femme existe surtout par la volonté que l'on a de tout temps eue de le lui attribuer.
Maîtresse à la fois adorée et crainte, hautaine et attentive, méprisante et amoureuse, qui est la femme bourreau de l'idéal masochiste ? À force de notations extraites de l'œuvre même de Sacher-Masoch, Deleuze la définit ainsi : "glacée/sentimentale/cruelle".
Les rapports dominant/dominé qui existent au sein des relations quotidiennes de tous les individus doivent conserver leurs sentencieuses justifications, leurs fallacieuses motivations : intelligence, travail, argent.
Toutes les expériences physiologiques montrent que, même chez l'adulte, le passage de la sensation de douleur à celle de volupté se fait insensiblement et qu'entre les deux il n'y a pas d'opposition qualitative mais quantitative.
Il fabrique des accessoires, instruments et autre appareillage sado/masochiste depuis qu'il est à la retraite. Son catalogue, ronéoté à la main (artisanat oblige!), ne compte pas moins de cent cinquante articles, qui vont du modeste martinet (vinqt-cinq modèles différents, quand même!) au "chevalet oriental" (Enfin en France! précise le sous-titre), en passant par "l'oeuf infernal", le "soleil japonais", la "cangue à roulettes" ou "la main du diable". A chacune de ses créations, il a en effet donné des noms au gré de son imaginaire. Il a également dessiné les croquis qui accompagnent chaque descriptif.