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Citation de coco4649


Le début de la vie sans toi….


Extrait 2

14 février. Encore un jour qui te prive de vivre. Un jour de punition (ta
punition me punit).

Ce matin, au réveil, j'ai eu une crampe au mollet droit. Ter¬rible, très
douloureuse. Tu avais des crampes aux mollets. Terribles, très douloureuses. Aux mains. Terribles, très douloureuses. Aux pieds. Terribles, très douloureuses. Alors cette crampe fulgurante, terrible, très douloureuse, me procure un court instant de communion avec toi. Je porte ma croix. Je t'aide à porter la tienne.

Début du temps photographique. Je passe ces premières journées de grand vide à fixer des photos de toi. C'est mon unique occupation. Mais au fil des jours, les photos s'interposent au souvenir pourtant si proche que je conserve de toi avant l'agonie. C'est bien là toute la limite de la photographie, qui fait écran au réel et l'englue dans son fixateur en cherchant à le reproduire (pas de son, pas d'odeur, pas de goût, aucune sensation physique, point de chaleur du soleil sur le bras, point de bruits du ferronnier dans la médina, à Tanger, aucun parfum de coriandre flottant dans l'air poivré du marché de la rue de l'Amérique-du-Sud, temporalité vitrifiée). Or, la vie n'est qu'un enchaînement de vitesses à régimes variables, timbres et sons éparpillés, angles de vue changeants, panoptiques ou ébréchés, mouvements brouillons, pelotes d'odeurs et de parfums, nœuds d'impressions, miroirs sans tain, désordres, flous, plis, faisceaux de temporalités, tuilages. Par exemple, sur cette photo prise dans les jardins de la Mandoubia, à Tanger, en février 2012, nous ne pouvons voir à quoi tu penses ni ce que tu ressens, et la température de l'air ne nous est donnée qu'approximativement (ciel bleu, mais tu es en manteau). Et rien ne transparaît des souffrances occasionnées par un chapelet d'aphtes qui torturent ta bouche. Dans son immobilité, sa temporalité figée, son silence, toute photo n'est qu'une paresseuse évocation, un rappel (la valeur
d'un post-it). Dépourvue de tout ce qui fait que l'on est en vie.
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