Jean-Léon Bauvois. L'abus de confiance et l'abus de pouvoir.
De ce point de vue, certaines conditions sociales (sans aller jusqu'à la pauvreté) sont une limite dirimante à l'exercice des libertés. Cette limite, le libéralisme la génère et l'accepte. Il ne sert à rien d'être libre de circuler si nous n'avons pas les moyens de prendre le train ou d'acheter une voiture. La liberté est devenue une affaire de statut social.
Notre formation académique, nos modes de pensée, tout ce que nous ingérons de la télévision, la culture littéraire ou cinématographique que nous nous sommes données ou qu'on nous a transmise, bref toutes nos habitudes mentales... nous incitent à nous focaliser sur les personnes plutôt que sur les situations dans lesquelles ces personnes se trouvent et se démènent.
La liberté des anciens est la liberté de participer au traitement décisionnel des affaires des groupes auxquels on appartient, et en particulier des affaires de l'État dont on est citoyen. La liberté des modernes est la liberté garantie d'être tranquille chez soi pour y faire et penser ce que l'on veut, indépendamment de ce que l'on est et de ce que l'on fait dans la vie sociale.
Ils tiennent d'autant plus à leurs opinions, ces individus, qu'elles sont entrées par effraction dans leur intellect et qu'elles n'y sont associées à aucun univers rhétorique argumentatif. Qu'elles fonctionnent comme de bons sentiments auxquels ils sont venus par eux-mêmes.
On a trop oublié que l'individualité des hommes, une construction sociale, ne peut logiquement valoir que ce que vaut le sort que leur réserve la vie sociale.