Le « Premier Empereur » était une personnalité puissante. Au physique, « un homme avec un nez busqué, de longs yeux étroits, la poitrine d’un oiseau de proie et la voix d’un chacal ». Au moral — c’est un lettré confucianiste qui trace ce portrait — « il nourrissait des sentiments avides et bas ; il appliquait les connaissances qui sortaient de son propre esprit ; il ne donnait pas sa confiance aux ministres éprouvés et ne contractait pas des liens étroits avec les gens de valeur et le peuple ; il abandonna la ligne de conduite suivie par les rois et établit son pouvoir autocratique ; il interdit les écrits et les livres et rendit impitoyables les châtiments et les lois ; il mit au premier rang la tromperie et la violence et au dernier rang la bonté et la justice ; il fit de la tyrannie le fondement de l’Empire ».
L’administration du royaume des Chang et des Tcheou Occidentaux ressemblait à une grosse exploitation familiale ; elle ne différait pas de celle des domaines privés ; les officiers en étaient les mêmes et portaient les mêmes titres. Pour diriger tout ce personnel, de même que les maîtres du domaine avaient leur Intendant Familial, le roi avait son Chargé des Affaires, k’ing che, sorte de vizir chargé de toute la besogne administrative de façon à laisser au roi toute liberté de régler les affaires graves ou de se livrer à ses plaisirs.
Société et religion ne différaient guère : la société était fondée sur la famille et la possession de la terre ; la religion sur le culte des Ancêtres et celui du dieu du Sol. Deux aspects d’une même réalité : les Ancêtres sont la famille divinisée et le dieu du Sol le domaine divinisé.
Les milieux lettrés considéraient l’unification politique comme le prélude à l’unification des idées : de même que les royaumes rivaux avaient disparu et s’étaient fondus dans l’Empire, de même la pensée devait s’unifier en une doctrine unique.