"On a une invasion des produits alimentaires trop transformés", alerte Jean-David Zeitoun
L’intention du texte qui suit est de chercher une explication d’ensemble à une extraordinaire anomalie : la société mondiale produit de plus en plus de maladies dont elle ne veut pas, tout en faisant toujours plus d’efforts pour les traiter. D’un côté, les industriels pathogènes, c’est-à-dire les industries qui causent des maladies, ont une activité en croissance. Ce sont les industries fossiles, la chimie, la transformation alimentaire, la production d’alcool et bien sûr le tabac. De l’autre côté mais sur la même planète, les dépenses générées par les maladies provoquées progressent aussi, et souvent plus vite que l’économie mondiale. Le parallèle est flagrant et incohérent.
Les gens acceptent de perdre certains caractères en appartenant à un groupe. Ils sont d'accord pour lâcher une bonne quantité de liberté et pour réprimer leurs pulsions. Au total, Freud estime que l'inclusion sociale veut dire une perte de bonheur. En échange de ces limitations, les individus gagnent un accès à la culture, la croissance et la sécurité. La perte de bonheur reste tolérable tant qu'il existe une compensation.
Mais si cette compensation décline, alors le contrat ne tient plus et a relation se dégrade entre les gens et la société. La situation crée un malaise pour Freud, la mort volontaire pour Durkheim et au désespoir pour Case et Deaton.
Il existe une vulnérabilité personnelle à laquelle les individus ne peuvent rien, et qui les prédispose à prendre du poids indépendamment de ce qu'ils font. Mais trois autres éléments que tout le monde connait exercent un effet majeur, à savoir la quantité d'alimentation, sa qualité et l'activité physique. Ces trois indicateurs ont tous les trois évolué dans le mauvais sens. Les humains mangent plus et plus mal qu'il y a cinquante ans, et ils utilisent moins leur corps. (p.37)
Les additifs [alimentaires] dont notre corps n'a pas besoin [agissent] sur la forme ou la texture des aliments, sur leur goût ou encore sur leur condition de commercialisation. ... Les opérations de transformation et les additions produisent des aliments qui n'ont plus grand chose à voir avec les matières premières d'origine, ce qui est d'ailleurs le but. (p.56)
Une régulation sérieuse et une taxation à la hauteur impliquent une transition. Certaines industries pourront augmenter le niveau de sécurité de leur produit. D'autres devront se convertir, et d'autres devront être éliminées. (p.216)
Pour les industries fossiles, il n'y a pas d'autre option que l'élimination. (p.218)
Les dépenses de santé causées par les maladies métaboliques sont presque trois fois supérieures aux bénéfices du secteur économique d'origine. ... schéma typique des économies pathogènes. Ces économies vivent pour elles-mêmes. Leur seul but est la croissance [du bénéfice pour leurs actionnaires]. (p.79)
La plupart des risques humains sont des produits commercialisés (aliments ultra-transformés, alcool, tabac) ou des retombées d'une activité commerciale (pollution). Ces risquent forment une économie pathogène, c'est-à-dire une économie qui cause des maladies. (p.45)
Les entreprises qui transforment l'alimentation doivent maintenant se transformer elles-mêmes. Elles devront apprendre à vendre des aliments minimalement manipulés. (p.217)
La croissance économique ... produit du développement mais elle a aussi un impact épidémiologique extraordinairement négatif. (p.45)
La carte mondiale de l'obésité est à peu près celle de la prospérité. (p.75)