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    Roussouly le 27 décembre 2022
    Aujourd’hui, je partage avec vous le texte émouvant d’un lecteur et sa critique littéraire de mon roman "Fruits de la chance" :

    "« Fruits de la chance » est-il un roman généalogique ? Sans doute par sa structure mais il est encore davantage, me semble-t-il, une interrogation de l’auteur sur lui-même.
    Que se passe-t-il sous le masque sociétal de l’homme sûr de lui, de ses certitudes ? Derrière le patron d’un cabinet d’assurances apparaît « l’enfant capricieux ». Il fallait, reconnaissons-le, un certain courage ou une bonne dose de lucidité pour admettre des failles, des souffrances qui donnent toute son humanité à Jean-Baptiste Roussouly.
    Il s’agit d’un cheminement personnel, une histoire de famille dont il fixe le premier jalon à 1650. De là va découler une sorte d’épopée familiale et avant tout régional. L’auteur est un homme du sud né à Béziers, profondément attaché à sa ville et à sa région. Son récit est ancré dans la glaise d’un terroir millénaire qui nous fait plonger aux racines d’une famille. Il est la rencontre inattendue de deux mondes que rien ne prédisposait à se croiser. Il aura fallu la légèreté de la trop coquette Colette, la maman, fille de paysans durs aux labeurs, pour séduire Jean-François, fringuant joueur de rugby et séducteur invétéré. Deux mondes : l’un parfaitement policé au fil des décennies avec ses médecins, pharmaciens, maire… fidèles à une tradition bourgeoise et pour certains fidèles aussi à une réelle foi catholique. L’autre est constituée de gens simples, de travailleurs infatigables, de bougres victimes des guerres, véritables pions ballotés par une histoire qui les dépasse.
    Jean-Antoine, Henri… héros ou victimes ? Ni l’un, ni l’autre, juste un quotidien où le but est de survivre. De l’union de ces deux familles naitra bientôt Elise, la grand-mère chérie, « belle comme une actrice française sous les traits mutins pareils à une Jeanne Moreau. » La comparaison s’arrête là parce qu’Elise est une paysanne. Avec René son mari elle affrontera les tempêtes de la vie, « se montrant toujours d’un amour brave et magnanime. » René est l’occasion pour l’auteur de tracer le portrait d’une arrière grand mère, Marie Duffos, celle que tout le monde considérait comme « la méchante », portrait atypique d’une mère perturbée… Dans cette kyrielle de personnages qui traversent ce roman généalogique, il faut revenir sur la figure du père : « cet homme à femmes », comme il le décrit et d’ajouter : « je lui pardonnais tout, son impatience, son égoïsme mais je n’oublierai jamais que l’une des femmes qu’il fit pleurer le plus profondément, fut ma mère… » Et là apparaît une des raisons de ce livre : cautériser la blessure qui saigne à cause de ce père, image trop parfaite de ce socialiste mitterrandien à la réussite matérielle indiscutable, agnostique et franc-maçon. Jean-Baptiste aurait voulu l’aimer. Il le respectera.
    Il lui manquera toujours cette simplicité de l’Amour gratuit que lui dispensera sans compter sa mère Colette à tel point, écrit-il « que je n’ai pas eu le besoin direct ou démesuré de chercher à lui plaire. » Ingratitude d’un fils qui se sait aimer. « Ma mère est conciliante mais surtout elle ne me fit jamais souffrir. »
    Il fallait cela pour affronter l’autre grand dilemme de la vie de l’auteur : la mort. Le divorce de ses parents est marqué à jamais dans le déroulé de son existence, à tel point que, conscient de tous ces événements qui le traumatisent, il écrit : « Je suis né une deuxième fois en 98 à 15 ans » et d’ajouter, « la naissance nous échappe, la mort aussi mais pas la renaissance. » Le voilà, lui semble-t-il, maître des horloges, dans la gestion du temps mais cela n’en atténue pas moins l’inéluctable fin. En plus de celle due à l’âge, il y a les victimes de la maladie, des accidents : la belle sœur « adorée » de sa mère, Françoise, Gisèle la cousine de Colette, avec son bébé, plus récemment son cousin Stéphane. Autre blessure profonde mais surtout questionnement sans réponse. Entre le grand père Antoine, d’un catholicisme fin du XIXe siècle et un père barricadé derrière ses certitudes maçonniques, l’auteur est sans réponse. « Soyons prêts », écrit-il avant d’ajouter de façon définitive en sortant de la pièce où reposait Stéphane : « Je quittais la chambre morne avec plus de mélancolie en me promettant de ne jamais digérer son absence. » Tout est dit. On l’aura compris, Jean-Baptiste Roussouly, refusant les certitudes si antagonistes d’Antoine et Jean-François, a choisi la radicalité de l’athéisme.
    Quelle conclusion de ce surprenant roman dont on aurait craint l’ennui, le thème de la généalogie étant tout sauf enthousiasmant ?
    D’abord la qualité de l’écriture. Si l’auteur est assureur, son vocabulaire n’a rien d’administratif. On ne s’ennuie jamais dans cette aventure familiale. Sans doute peut-on regretter un arbre généalogique qui aurait aidé le lecteur à démêler les nombreux personnages cités.
    On peut s’interroger : Jean-Baptiste Roussouly est-il plus clair avec lui-même après avoir posé le point final à son récit ?
    Oui, parce que ces 333 pages représentent la grande aventure de la vie de cet homme qui n’est pas au départ un écrivain. D’un seul coup d’un seul il dit ce qu’il n’avait jamais osé dire à personne et particulièrement à sa famille. Il raconte mais surtout, cet introverti déclare son amour à sa mère, à sa grand-mère. Il ose des mots qu’il doit prononcer rarement. Enfin sous le masque du père on y devine de balbutiants mots d’amour qu’il hésite à formuler très clairement à ses filles.
    Non, Jean-Baptiste Roussouly n’a sans doute pas trouvé de réponses aux questionnements de « l’enfant capricieux » qui l’habite, par contre il a trouvé la force d’écrire « je t’aime » à tous ceux à qui il avait oublié de le dire… « Je t’aime », la première pierre sur le chemin du bonheur.
    Jean-Noël Féraud."

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