Ce que je peins n’implique aucune suprématie de l’invisible sur le visible ; celui-ci est assez riche pour former le langage poétique, évocateur du mystère de l’invisible et du visible.
A l’occasion d’une exposition à laquelle il participa, intitulée : « la part du rêve, aux Musées royaux des beaux-arts à Bruxelles, on avait installé une vitrine dans laquelle figuraient des objets façonnés pour l’occasion, empruntés au vocabulaire de ses tableaux ; une notice les qualifiait de symboles.
« Il me semble souhaitable d’éviter autant que possible la confusion à ce sujet, écrivit le peintre au conservateur, il s’agit d’objets (grelots, ciels, arbres…) et non de « symboles ».
Soit qu'en reproduisant au plus fidèlement les objets, les choses - y compris les gens -, et tout ce qui est donné à voir dans le quotidien, on peut forcer les spectateurs de ces images à s'interroger sur leur propre condition. A une exigence près, toutefois: il faut seulement que ces objets et ces choses soient associés ou opposés de façon inattendue - donc, inhabituelles. C'est en cela que le peintre retourna la logique convenue sur elle-même, comme d'un gant.
Cette poésie triomphante a remplacé l’effet stéréotypé de la peinture traditionnelle. C’est la rupture complète avec les habitudes mentales propres aux artistes prisonniers du talent, de la virtuosité et toutes les petites spécialités esthétiques. Il s’agit d’une nouvelle vision, où le spectateur retrouve son isolement et entend le silence du monde.
(Conférence au Musée des beaux-arts d’Anvers 1938)
1958 (interview G. d’Amphaux) : « Certes, il est plus facile d’utiliser une étiquette pour désigner une école ou une soi-disant école … Je ne désire pas cependant que l’on qualifie ce que je peins ».
1962 (interview J. Walraven) : « C’est la conception que la vie de l’homme doit absolument être digne d’être vécue ».
Comment devient-on un artiste ?
Comment devient-on un artiste-peintre ?
Comment devient-on,même, un peintre qui ne soit pas artiste ?
Comment devient-on, s'agissant de René Magritte, ce peintre-là, si particulier, si en dehors des normes acceptées à la fois par le sens commun et par les longues traditions qui ont fait la nature de l'art, au moins jusqu'au début du vingtième siècle ?
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