J-F. Dubeau

Le soleil est un traître. Il brille agréablement le matin, pour mieux te poignarder dans le dos l'après-midi.

Les regrets sont les instruments qui nous permettent d’apprendre. Nous avons tendance à ne pas répéter les erreurs que nous déplorons. Malgré la souffrance qu’ils peuvent nous causer, les regrets nous poussent à améliorer notre vie. Nous nous reprochons la façon dont nous nous sommes comportés avec notre premier amour, mais cela nous aide à devenir meilleurs la fois suivante. Nous regrettons notre paresse à l’école, mais si nous en avons tiré les leçons, nous faisons preuve de davantage d’assiduité plus tard, au cours de notre vie professionnelle. Nos regrets peuvent se révéler un fardeau, mais nous finissons par nous en débarrasser. À ce moment, ils se muent en jalons de notre existence, des repères qui nous rappellent combien nous avons progressé.

Le remords, en revanche, est un sentiment bien plus profond. Que ne ferions-nous pas pour revenir en arrière et effacer les circonstances qui ont donné naissance à ces cicatrices ? Pour Nathan Joseph Cicero, la réponse était « rien ». Il connaissait bien les remords, et la plupart des siens lui venaient de son enfance.

- On aurait dû fouiller la grotte, dit Crowley d'un ton songeur.
Derrière lui, Randy fronça les sourcils, son attitude joviale et cavalière disparaissant un instant. La pensée de la grotte et de ce qu'elle contenait eut raison de sa désinvolture et lui glaça le sang. Son front se rida sous un fardeau de ce qu'il savait.
- Non, Stephen. Personne ne devrait approcher de cette grotte. Aussi longtemps que possible.

Violer une règle, c'est comme ne pas tenir une promesse ! Pourquoi en faire, dans ce cas ?

Pendant deux jours, elle avait observé la chose de cette façon. L'étudiant et la regardant dans l'espoir qu'elle se laisserait aller et se dévoilerait. Tu reviendras, lui avait-elle chuchoté, et Vénus n'avait pas protesté. Mais en dépit de cette certitude, elle hésitait à y retourner. La distance et le temps lui avaient permis d'analyser la situation avec la tête froide.

- L'ours n'est pas la seule projection, continua Penny. D'une certaine manière, le dieu dans la remise de Venus en est une aussi. Quand je suis sortie de mon corps cet été, je l'ai senti. Ce que nous en voyons n'en représente qu'une toute petite partie, qui dépasse d'un trou dans la réalité. Alors... si la frontière avec la réalité est manipulable et floue et... alors...

- Et les autres dieux ? Cicero ou Neil n'ont rien laissé sur la manière d'en évoquer un ? Ils ne sont tout de même pas tous mauvais ? Peut-être qu'on en trouvera un qui acceptera de nous aider ?
Abraham voyait bien que, comme lui, Penny se raccrochait à tout prix à un semblant d'espoir. Chercher de nouvelles solutions hors de sentiers déjà bien battus, voilà à quoi ils en étaient réduits. Ce genre de velléités avait conduit Venus à Montréal et Abraham à marchander avec le diable.
- Eh bien, il y avait cette histoire d'un dieu qui aimait les hommes. D'après Cicero , il est à l'origine de la plupart des légendes autour de divinités bienveillantes. Alors que tous les autres s'amusaient avec nous ou nous traitaient comme une gêne, celui-là se battaient pour nous.

Juste un embarras normal provoqué par une situation ordinaire. Elle avait toujours trouvé idiot qu'au cinéma les personnages d'un film se laissent distraire par des futilités, alors qu'ils repoussaient une invasion extraterrestre, luttaient contre des monstres géants, ou géraient n'importe quel autre scénario catastrophe. Maintenant, elle comprenait. Tout en se protégeant physiquement d'événements cataclysmiques, il paraissait naturel de chercher un réconfort émotionnel, comme elle en ce moment.

- Venus, j'ai poignardé un dieu !
- En plein dans le bide, renchérit gaiement Vénus. Ça n'arrive pas tous les jours ! Dans le temps, on écrivait des chansons sur ce genre d’exploits.
- Ouah ! Je n'avais pas vu les choses sous cet angle. Je vais avoir un CV incroyable.

Gédéon avait perdu sa famille depuis longtemps, survivant avec aigreur à tous ceux qu'il avait connus et aimés. Si une âme avait une date de péremption, celle de la sienne était largement dépassée.