Je sais qu'avec les gens qu'on n'aime pas, on n'aime pas jusqu'à l'air qu'ils déplacent.
Je sais que l'inverse est vrai aussi : on aime l'air que déplacent les gens qu'on aime.
En japonais, on dit de la beauté qu’elle remplit l’air (kaoru). A la façon d’une senteur.
Eprouver en une vie la multitude de sentiments qu'une multitude de gens vivent au même instant. Le temps d'une vie comme un instant du monde
Je sais qu’on sent quand on est regardé.
Je sais qu’il arrive qu’on ne regarde pas l’autre, simplement pour éviter de le voir détourner les yeux.
Alors que ce que l'on sent est juste, ce que l'on pense est déformé. Chez l'être humain, quelque part en route vers le cerveau, les choses partent en vrille.
(P68)
Les Japonais ont un mot pour décrire cette sensation d’infini qu’on éprouve devant certains paysages ou devant certaines peintures : yuugen. La sensation de flotter dans une obscurité profonde et mystérieuse.
Je sais que cette chaleur qui me caresse le visage s'est formée au fond du soleil et a voyagé plusieurs minutes dans le cosmos avant de me toucher.
« Je sais qu’on est sommé d’avoir un avis sur tout, quand on en a sur quasiment rien ».
« Je sais que j’ai mis longtemps à voir qu’insulter l’autre, c’est avant tout s’humilier soi-même : par le mépris qu’on s’inspire après coup ».
« Je sais que j’ai engendré un être mortel » dit simplement Anaxagore en apprenant la mort de son fils.
Les constellations n'existent que dans notre esprit. Les étoiles qui les composent ne sont que des bulles de gaz chaud isolées les unes des autres. Pourtant notre esprit trace des lignes entre elles et les relie. Elles forment un fond sur lequel on évolue et dont on s'éprend. Notre relation au monde est irrésistiblement affective.
L'être humain habite une sorte de trébuchet, sensible à d'infimes variations dans l'intonation des mots, l'expression du visage, les mouvements du corps. Et il manipule cela comme un marteau.