Citations de Hugo Marchand (20)
Mon envie en tant que danseur étoile, c'est avant tout d'ouvrir la danse à un public qui d'habitude n'irait pas à l'opéra mais aussi de rendre accessible et faire rayonner cet art qui met tant de sens dans ma vie.
Si une seule personne trouve en parcourant ce livre des clefs pour continuer à s'accrocher à ses rêves avec plus de sérénité, alors mon objectif sera rempli.
La danse ne se réduit pas à la maîtrise de son corps, d'une technique, de l'effort physique. Cette forme de dépassement de soi ne doit pas se percevoir sur scène. Ce que le public vient chercher et retient c'est l'histoire, la présence, le charisme, la lumière, les émotions que mon personnage transmet, distille.
Nous avons embrassé la danse, elle s'est muée en nous comme il en est des gestations. Elle s'est métamorphosée, jusqu'à se matérialiser en nous tels le coeur, les poumons, les reins, en un organe aussi vital pour certains.
Si tu ne vas pas vers l'autre, vers les autres, tu restes seul. Tu creuses ton propre fossé.
Je suis comme ces personnages de jeux vidéo que l'on fait évoluer sans cesse d'un niveau à un autre, cherchant continuellement à dépasser ses propres scores. Cela devient obsessionnel. Je suis un boulimique du travail. J'ai à peine 16 ans et je ne conçois pas qu'il me faille des moments où il ne se passe rien, des plages de pauses.
Il est des maîtres qui n’enseignent pas sans cesse, mais qui savent faire naître ce sentiment soudain que l’on a d’apprendre
Contrairement à certaines formes d'art comme la peinture ou la musique, en danse il n'y a ni toile ni partition. Le support corrigé est notre propre chair. Au point zéro de notre apprentissage, la critique peut foudroyer jusqu'à la moelle. C'est une vexation, une déstabilisation permanente ressentie de façon plus aiguë encore à l'adolescence. Sur un corps en plein bouleversement hormonal, en mutation, une discipline qui muselle la rébellion, la correction perpétuelle, cette notion du "jamais assez bien" est une rature sur le cœur, une biffure infligée à même la peau, une brûlure vive à l'égo. (p78)
Cette émotion est marquée en moi au fer. Une émotion d'une telle violence, d'une telle force que je ne saurais la revivre. J'ai hurlé. Couiné. Derrière mes verres fumés, énormément pleuré. Le monde autour de moi a vacillé, disparu, s'est dépeuplé.
En très peu de temps, elle me fait saisir ce qu'elle veut et parvenir à hurler par des gestes les courants contraires qui me traversent. Pas une seule fois je ne ressens le jugement dans son regard ni la perception de ne pas être à la hauteur.
Quand le rideau tombe, j'ai envie de redescendre doucement, de partager ce moment au milieu des danseurs avec lesquels j'ai vécu le ballet.
Ce corps outil, on doit le perfectionner, le régler, le réviser sans cesse et, avec, produire un geste parfait. Nous sommes à la fois la machine et l’ouvrier qui y est affecté pour fabriquer notre propre unicité.
- Comment accepter de ne jamais être assez bien, de ne jamais faire assez bien ? -
- Si tu n’acceptes pas ces corrections, tu ne peux pas être danseur. Encore moins le devenir. Tu ne progresses pas. Cet état d’acceptation est le point de départ de notre apprentissage.-
Dans le regret de ne pouvoir gommer l'appréhension qu'elle a de remonter sur scène pour la première fois après son congé maternité. J'en ai conscience, mais je ne le ressens pas aussi profondément que je le devrais. Donner la vie pour une danseuse c'est mettre sa carrière entre parenthèses pour une saison complète. Ce don de soi m'échappe, la violence du retour au-devant de la scène dépasse mon entendement. Je n'ai que 20 ans, je ne suis qu'un garçon, je manque de maturité pour mesurer ce que le corps de ma partenaire vient d'endurer comme les batailles de son mental. (p104)
Cette année grave en moi les premières douleurs physiques et ma rencontre avec le miroir. Avec ce satané miroir, nous allons devoir nous entendre. Je ne suis pas Narcisse. Mon reflet m'attriste. Il n'a rien de cet idéal que je recherche, que j'aimerais. Je le prends en grippe. Tous les jours, devant la glace avec d'autres garçons plus jeunes, plus fins et d'ossature plus légère que moi, je me compare. Je ne suis pas assez beau physiquement, trop gros. Avant de rejoindre l'école, au conservatoire de danse de Nantes, je n'avais pas ces points de constante comparaison. J'étais souvent seul au milieu des filles. (p33)
Tout semble aller à la perfection jusqu'à ce bruit. Comme une branche qui casse le silence des sous-bois. Le maître de ballet, ma partenaire se retournent vers moi. Nous connaissons ce bruit, nous le redoutons.
À la différence des autres athlètes, chaque jour nous, danseurs, passons des heures devant ces satanés miroirs. À nous mesurer avec notre reflet, à tenter de l'apprivoiser, d'accepter nos défauts, à travailler à les gommer.
Certains matins je me dis qu'il n'y a pas tant d'étoiles au monde. Je bombe le torse. Certains soirs, je me demande comment par la danse laisser une empreinte autrement qu'en ayant contribué à l'usure des miroirs.
La perfection, nous la cherchons. Sans cesse. Depuis notre passage à l'École de danse, nous la travaillons. Vis-à-vis du public, nous la lui devons. Chaque jour, perfectibles, nous apprenons à l'être.
Nous avons embrassé la danse, elle s'est muée en nous comme il en est des gestations. Elle s'est métamorphosée, jusqu'à se matérialiser en nous tels le coeur, les poumons, les reins, en un organe aussi vital pour certains.