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Citations de Hartmut Rosa (180)


Hartmut Rosa
J'aspire à une organisation sociopolitique où la croissance et l'accumulation des richesses ne seraient pas les seules fins proposées à l'activité humaine.
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Hartmut Rosa
Nous ne supportons pas d’être incapables d’anticiper la suite des événements, de ne pas posséder de remède. Ceci explique ce déferlement insensé d’efforts pour reprendre le contrôle. Nous ne pouvons pas voir la maladie ni l’entendre. (…) Le virus est peut-être dans mon corps sans que je m’en aperçoive. Cela nous rend fous, cette impuissance.
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Hartmut Rosa
La résonance n'est pas foncièrement positive : c'est juste une pause extatique au milieu de la fureur. Certains de mes amis me disent l'avoir ressentie à Auschwitz. La résonance, c'est la conscience profonde, existentielle. Prendre du recul pour voir ce qui fait écho en nous, ce qui nous relie au monde. Elle n'est pas monolithique : pour certains, ce sera l'amour, pour d'autres, l'amitié, pour d'autres encore, l'engagement démocratique. Elle peut prendre une forme verticale, horizontale ou diagonale. La résonance, ce n'est pas du cognitif, c'est une manière différente de vivre, un habitus existentiel. Regardez-vous face à l'océan ou dans un supermarché lorsqu'il y a des soldes : votre rapport au monde n'est pas le même. C'est pour cela que nous allons voir l'océan : nous voulons entendre le clapotis, nous sentir vivre. Le problème, c'est l'hubris, vouloir tout contrôler ou tout modifier, y compris la nature. Ce n'est pas raisonnable, revenons à l'eudaimonia d'Aristote. La bonne vie. Libre à chacun de la trouver dans l'amour, l'amitié ou même la religion.
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La résonance est une forme de relation au monde associant affection et émotion, intérêt propre et sentiment d'efficacité personnelle, dans laquelle le sujet et le monde se touchent et se transforment mutuellement. La résonance n'est pas une relation d'écho, mais une relation de réponse. Les relations de résonance présupposent que le sujet et le monde sont suffisamment "fermés", ou consistants, afin de pouvoir parler de leur propre voix, et suffisamment ouverts afins de se laisser affecter et atteindre.
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Hartmut Rosa
Nous pourrions nous décrire comme complètement libres : nous pouvons croire ce que nous voulons, écouter ce que bon nous semble, vivre avec qui nous souhaitons… Mais nous pourrions aussi nous dire privés de liberté. La plupart des gens agissent en se disant : « Je dois faire ceci de toute urgence, je dois absolument faire cela. » Peu importe leurs performances cette année : l’année prochaine, il faudra aller encore un peu plus vite et travailler un peu plus dur… Pourquoi ? On ressent du plaisir et du désir à explorer le monde, à en élargir l’horizon de possibilités et d’opportunités[4]. Les enfants sont heureux d’avoir un vélo : ils peuvent aller un peu plus loin, disons au bout du village. Puis, ils sont heureux de recevoir un scooter, pour aller au village d’à côté. À 18 ans, avec la voiture, ils iront dans la grande ville. Avec l’avion, celui qui en a les moyens peut aller en Angleterre ou même au Japon. Ces pays sont désormais à notre portée (Reichweite), de même que les images des antipodes avec la télévision. Grâce à l’iPhone, tous nos amis sont joignables, le savoir du monde tient dans notre poche… Chaque fois que nous étendons notre prise sur le monde, nous éprouvons une sorte de liberté et de bonheur. Mais le monde, mis à notre portée, ne nous parle pas forcément[5].

Prenons l’exemple de la musique (cela vaut également pour les livres). On peut acheter l’intégrale de Beethoven ou de Mozart pour quelques dizaines d’euros. Les gens se disent : maintenant, j’ai Beethoven sur mon étagère, je peux l’écouter quand je le souhaite. Mais on perd le plaisir de la recherche de telle ou telle sonate ou symphonie du compositeur. Les 135 CD de Mozart vous frustrent car l’on n’a jamais le temps de les écouter. Spotify pousse encore cette logique : pour 9 euros par mois, vous accédez à toute la musique que vous souhaitez. Est-ce bien ou mal ? En tous les cas, la probabilité d’écouter vraiment la musique et de vivre une expérience intense à travers elle décroît. La résonance, c’est quand on est touché par un morceau de musique, un lieu, un ami… qui trouvent un écho en vous. Quand vos yeux s’illuminent ou s’embuent. Mettre le monde à votre portée est le projet de la modernité ; sa part d’ombre, c’est le risque d’aliénation.
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En fait, c’est une tendance que Walter Benjamin a identifié il y a presque un siècle. En allemand, il pouvait distinguer les Erlebnissen (c'est-à-dire les épisodes d’expérience) et les Erfahrungen (le expériences qui laissent une trace, qui sont connectées, ou sont en relation pertinente, avec notre identité et notre histoire; les expériences qui atteignent ou transforment ceux que nous sommes). Et il faisait la suggestion que nous pourrions bien approcher d'une ère qui serait riche en Erlebnissen mais pauvre en Erfahrungen.
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Qui nous sommes est donc toujours déterminé par comment on est devenu ce que l'on est; par ce que l'on a été, par ce que l'on aurait pu être et par ce que l'on sera et ce que l'on souhaiterait devenir.
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Néanmoins, la créativité, la subjectivité et la passion ne servent plus le but de l'autonomie au vieux sens "moderne", elles sont désormais utilisées pour augmenter notre compétitivité.
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Comment pouvons-nous être complètement libres et pourtant excessivement coordonnés, régulés et synchronisés, dans les deux cas à un degré jamais atteint? En réalité, il n’est pas difficile d’entrevoir la solution à ce paradoxe apparent de la modernité.
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En bref, la relation au monde ne saurait se définir en soi par le type d’activités ou les domaines d’objets qu’elle met en jeu, mais seulement par l’attitude au monde et l’expérience du monde qu’elle implique. La formation et le maintien ou non d’axes de résonance constitutifs dépendent premièrement des dispositions (physiques, biographiques, émotionnelles, psychiques et sociales) du sujet, deuxièmement de la configuration institutionnelle, culturelle, contextuelle et physique des fragments de monde en jeu et troisièmement, du type de relation existant entre entre les deux. Même les fragments de monde tendanciellement inhospitaliers et hostiles tels les déserts, les paysages enneigés ou les stations-service peuvent devenir, sous certaines conditions, de véritables oasis de résonance. L’aliénation, comprise comme relation au monde muette, froide, figée ou en échec, est dès lors le résultat d’une subjectivité dégradée, de configurations sociales ou matérielles hostiles à la résonance ou bien d’une inadéquation, c’est-à-dire d’un défaut d’ajustement entre le sujet et le fragment de monde. C’est dire que la sociologie de la relation au monde que je propose ici vise à dépasser le problème des essentialisations infondées : point n’est besoin de formuler une hypothèse substantialiste sur l’essence véritable de la nature humaine afin de pouvoir se prononcer sur la réussite ou la non-réussite de la vie. Admettons plutôt que cette essence est tout aussi changeante que l’organisation et l’orientation sociales et culturelles du monde. Les relations au monde doivent ainsi être considérées comme des configurations globales historiquement et culturellement variables, qui ne définissent pas seulement un certain rapport entre un sujet et un objet, mais coproduisent elles-mêmes, de facto, ces sujets et ces objets. La sociologie des relations au monde entreprise ici se présente donc comme une critique des rapports de résonance historiquement réalisés – et par là même, du moins je l’espère, comme une forme renouvelée de la Théorie critique. (p. 23-24)
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Nous dansons de plus en plus vite, simplement pour rester en place.
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Hartmut Rosa
Ce serait un cauchemar pour moi d’être rangé de ce côté-là ! Je ne souhaite aucunement que le concept de résonance soit récupéré par les manuels de développement personnel : « Mettez de la résonance dans vos vies ! », « La résonance, gage de succès professionnel », « Comment instaurer des relations familiales résonantes », « Réussir votre existence grâce à la résonance », etc. Cette captation serait un contresens total, dans la mesure où la résonance est une forme de résistance à la contrainte d’accroissement et de profit des sociétés modernes. On n’est jamais assuré d’entrer en résonance, ce n’est pas aussi facile et mécanique, on ne sait jamais à l’avance quel en sera le résultat : on ne prend pas, on se laisse plutôt prendre, et surprendre. La résonance requiert une acceptation de ne pas calculer, optimiser. Si vous êtes dans une forme d’instrumentalisation, il est peu probable que vous entriez en résonance. La résonance se produit quand on s’ouvre à la possibilité d’atteindre un état qu’on n’avait pas prévu, quand on ne sait pas ce qui va se produire.

Entretien dans Télérama
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Dans la modernité tardive, les cycles familiaux tendent de plus en plus à une durée de type infragénérationnel, ce dont les taux de divorces et de remariages, de familles éclatées ou recomposées sont la preuve la plus nette. Le compagnon d'une partie de la vie remplace aujourd'hui le conjoint pour la vie - cet argument ne postule absolument pas la disparition de la famille bourgeoise, au contraire: il est parfaitement compatible avec le constat empirique que cette forme de vie constitue un idéal social en vogue, et que les individus continuent de nouer des liens familiaux (éventuellement nouveaux)/ La monogamie à vie est donc de plus en plus remplacée par une forme nouvelle de monogamie en série et par un "couple à durée déterminée". Il s'agit ici d'une manifestation remarquable qui caractérise la modernité dans son ensemble.
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Il est intéressant de constater que tant dans la recherche sociologique que dans la discussion politique et la littérature de développement personnel, l’idée du juste équilibre vie-travail s’est imposée comme critère de référence. C’est reconnaître implicitement que vivre n’est pas la même chose que travailler –le terme de « travail » devant s’entendre ici au sens large de chasse aux ressources. Cet équilibre, de fait, s’avère problématique pour la plupart d’entre nous : car nous ne l’atteignons pas pendant la phase la plus active de notre existence qui est soumise aux règles du jeu de l’accroissement et aux to-do lists dont on ne vient jamais à bout. La part de « vie » lésée, ou laissée de côté, est reportée à l’âge de la retraite : pour l’instant je croule sous les obligations, mais un jour j’en aurais fini avec tout ça et je commencerai à vivre –à avoir une bonne vie. Tel est le discours dominant que les classes moyennes, et souvent aussi supérieures, tiennent sur elles-mêmes. C’est, me semble-t-il, la raison pour laquelle le recul de l’âge de la retraite se heurte, contre toute logique économique et démographique, à une résistance aussi acharnée : sur le plan culturel, cette mesure est perçue comme un vol de temps de vie. L’équilibre vie-travail n’est plus recherché sur un plan synchronique mais diachronique ; on attend de l’âge qu’il nous permette de rattraper tout ce que l’on a manqué. Reste cependant à savoir s’il est encore possible de mener une « vie bonne » quand l’obsession des ressources est devenue un habitus si puissant qu’elle a, des décennies durant, orienté notre vie et façonné notre attitude au monde. Sur ce point nous ressemblons davantage à Gustave qu’à Vincent. J’entends déjà l’objection : peut-on vraiment établir, comme vous le faites, une telle analogie entre l’art et la vie ? Que serait donc une « œuvre de vie » ? Quelle serait sa substance, au-delà de ce que vous avez dénoncé comme de simples ressources ? Comment statuer sur la forme ou les contenus d’une vie réussie sans s’instituer en gourou de la « vie bonne » ou –ce qui est tout aussi grave –en prescripteur condescendant ? Et mettons que l’on parvienne à éviter ces écueils et à admettre pleinement le pluralisme éthique de la modernité : n’en vient-on pas alors à vider cette « vie bonne » de toute substance et à la réduire à un simple sentiment de bien-être subjectif ?
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Vous rappelez-vous encore cette fin d'automne ou cet hiver de votre enfance où vous avez vu pour la première fois la neige tomber ? C'était comme l'irruption d’une autre réalité. Quelque chose de farouche, de rare, qui vient nous visiter, qui ploie et transforme le monde autour de nous, sans que nous y soyons pour quoi que ce soit, comme un cadeau inattendu. La neige est littéralement la forme pure de la manifestation de l'indisponible : nous ne pouvons pas entraîner sa chute ou dicter sa venue, pas même la planifier à l'avance avec certitude, du moins pas sur la longue durée. Et plus encore : nous ne pouvons pas nous rendre maîtres de la neige, nous l’approprier. Quand nous la prenons en main, elle nous glisse entre les doigts, quand nous la rapportons à la maison, elle fond et, si nous la plaçons dans le congélateur, elle cesse d'être de la neige. C'est peut-être pour cette raison que tant de personnes éprouvent l'ardent désir de la voir tomber, en particulier à Noël.
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Si le problème est l’accélération, alors la résonance est peut-être la solution. C’est la thèse centrale de ce livre, énoncée sous sa forme la plus courte. Elle exprime simultanément deux positions fondamentales. La première, c’est que la solution n’est pas la décélération. Même si la presse m’a parfois prêté un rôle de « gourou de la décélération » (quelques apparitions médiatiques imprudentes m’auront sans doute valu cette réputation), je n’ai, de fait, jamais prôné le ralentissement comme solution individuelle ou sociale au problème de l’accélération ; je l’ai tout au plus proposé comme une « stratégie d’adaptation », une manière de traiter au quotidien les problèmes créés par la vitesse. Au fond, je ne me suis jamais véritablement intéressé à la question de la « décélération ».
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En quoi cette histoire peut-elle éclairer la question de la vie bonne ? L’analogie semble évidente : la possession de toutes les ressources nécessaires ne garantit pas plus une vie réussie qu’elle ne suffit à produire une œuvre d’art. Et une focalisation exclusive sur les ressources nous empêche tout autant de réussir notre vie qu’elle entrave la réussite d’une œuvre d’art. Les guides de développement personnel actuellement en vogue, la réflexion politique sur la question de l’aisance matérielle et les définitions sociologiques dominantes du bien-être et de la qualité de vie révèlent pour la plupart une fixation sur les ressources qui correspond exactement à celle de Gustave. La santé, l’argent, la communauté (des relations sociales stables), mais également l’instruction et la reconnaissance, sont considérés comme les ressources essentielles d’une vie bonne –j’y reviendrai dans le chapitre d’introduction –et plus encore : ils sont devenus synonymes de vie bonne. Comment s’enrichir, améliorer sa santé, augmenter son pouvoir de séduction, accroître son cercle d’amis, développer son capital social et culturel, etc. : ce ne sont pas seulement les sujets de prédilection des « manuels de développement personnel », ce sont aussi les indicateurs dominants de la qualité de vie.

En guise d'avant-propos : l'histoire d'Anna et de Hannah et la sociologie, p. 9
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On ne peut pas fixer Shangai dans une image, parce que la ville ne se laisse jamais geler, ni immobiliser. On pourrait à la rigueur la représenter par un écran scintillant.

Impressions d'un voyage en Chine, p. 43
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L'aliénation par rapport au monde et l'aliénation par rapport à soi ne sont pas deux choses séparées mais simplement les deux faces de la même pièce. Elle persiste lorsque les "axes de résonance" entre l'être et le monde deviennent silencieux.
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En Chine, la qualité d’un dieu est mesurée à l’aune de son efficacité : si les vœux sont exaucés, les croyants reviennent et font des dons généreux, les temples et les statues gagnent en grandeur, en splendeur et en puissance, et les visiteurs sont plus nombreux. S’ils ne sont pas exaucés, on s’abstient de venir prier, le temple se délabre et plus personne ne le fréquente.
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