C'est ainsi que vont les choses depuis des temps immémoriaux : ceux qui croient s'élever ne font que baisser le front, ils se soumettent devant plus puissants qu'eux.
L'inconnu.
A ne pas confondre avec son frère, le néant. L'inconnu nous toise du fond de sa case, curieux de nous voir nous diriger. Un jour, semble-t-il promettre. Un jour. Vous ne pourrez pas toujours vous échapper. L'inconnu nous attire et nous effraie.
Chaque jour de marché, quelle que soit la saison, qu’il pleuve ou qu’il vente, On raconte des histoires. C’est son métier. C’est ce qu’il crie aux chalands qui passent et haussent un sourcil devant sa marchandise. Des romances, des épopées, des contes en vracs, tranchés dans le vif et posés sur la balance en fer forgé. Car On les vend aussi, au poids. Il a de quoi satisfaire les clients les plus difficiles. Mieux encore, il peut réparer n’importe quel récit. Les drames familiaux trop embrouillés, les aventures au parfum de scandale, les réputations boiteuses … Tout, vraiment tout. Il ampute les parties trop gênantes, cautérise les passages douloureux, polit les motivations, redresse les fiertés en berne contre quelques pièces seulement.
Selon Malou, les histoires jaillissent du sol. Elles s'écoulent et s'entremêlent, se nourrissent les unes des autres. Elles se rejoignent et se renforcent, jusqu'à creuser la terre meuble, la roche dure, les gemmes immuables, et façonner le monde à leur image. A chaque fois qu'une fin est atteinte, de nouveaux commencements en émergent pour tracer leurs propre sillons et prendre, comme depuis toujours, le chemin de la mer. Les histoires ont fait les nations, les fleuves et la ville ; les vivants ne sont, au mieux, que des bêtes parasites voyageant sur leur dos, portés au gré de leurs caprices. C'est une vérité, mais aussi un mensonge.
L'absence.
Toutes nos excuses. Toutes nos lâchetés. Toutes nos hypocrisies. Ces regrets que nous avons tant de mal à formuler. Tout dessine en creux le souvenir de ce qui aurait pu être plutôt que de ce qui a été. Jusqu'à ce que nous arrivions à articuler un faute-de-mieux, un cache-misère honnête. Pardon, de ne pas avoir pu être amis. Nous étions trop faibles. Nous avions trop peur. (...) Pardon, encore. Et adieu.
Une case, c'est la peur.
Celle du début, toute l'histoire doit commencer quelque part, quitter la terre et sauter enfin. La nôtre débute par la peur de se lancer. Pouvons-nous seulement espérer faire face ? Pouvons-nous seulement espérer fuir ? Nous courrons à notre perte. Où partir, où nous cacher ? Comment imaginer une vie ailleurs ? Combien de temps nous mentirons-nous avant que les doutes ne nous rattrapent ?
À chaque fois qu'une fin est atteine, de nouveaux commencements en émergent pour tracer leurs propres sillons et prendre, comme depuis toujours, le chemin de la mer. Les histoires ont fait les nations, les fleuves et la ville ; les vivants ne sont, au mieux, que des bêtes parasites voyageant sur le dos, portés au gré de leurs caprices. C'est une vérité, mais c'est aussi un mensonge.
Alors tu te penches sur l'étal et tu cherches.
Bien sûr, On n'a placé que les histoires légères en évidence. Des intrigues sans lendemain, des coups de théâtre tonitruants, des quiproquos servis par des enfants facétieux aux joues roses ou par des jeunes gens joliment vêtus dans des décors aux couleurs vives. Quelques drames, aussi, sur les côtés, pour les clients d'humeur mélancolique, mais rien de trop tragique, rien qui te concerne.
Toi, tu cherches une histoire qui commence sur un tas d'ordures, au milieu de la nuit.
Il était une fois, il était deux fois, il était toutes les fois. Une histoire qui se chuchote. De bouche en bouche. Le tout, bien longtemps après, bien après qu’il soit trop tard. Il était une fois, il était deux fois, il était toutes les fois. Un, parmi les creux et les silences. Deux, dans les vides et les absences. Toujours la même histoire, toujours différente. Comme les notes d’un chœur trop empressé
Les histoires ont fait les nations, les fleuves et la ville ; les vivants ne sont, au mieux, que des bêtes parasites voyageant sur le dos, portés au gré de leurs caprices. C'est une vérité, mais c'est aussi un mensonge.