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Citations de Georges Ribemont-Dessaignes (24)


LES AMOURS

VIE ET MORT D'ÈVE


L'arbre du jardin
A mûri ses pommes
Et dans chaque pomme
Ont mûri les grains,
Et dans chaque grain
Il y a un arbre,
Dans l'arbre la terre,
Dans son poids de terre
Masse de soleil
Et le firmament
Avec ses étoiles
Et la grande Voie
Des immenses mondes
De poussière immense
Et dans chaque monde
Est son poids de vide,
Ô pomme magique,
Et ton pesant d'or,
Ton pesant de vide,
Petit grain de vide
Ô petit grain d'or,
Germe du désir
Au souhait d'un cœur,
Tel est le présent
Par un ange offert,
Par un prince blanc,
Par un prince noir,
Ô caresse, haleine,
La graine du vide
Et les apparences
Et baise, ô cœur chaud,
Le bien et le mal
Pesés dans l'amour.

Ève dit :

Toujours il y eut ce jardin.
On le traça perdu,
On le planta perdu,
On le nomma perdu.

Mais le jardin de l'innocence et ce souvenir qu'on a…
Est-ce ce désert où n'entrèrent que des pierres ?
Tous les jardins sont perdus,
Et le ciel n'est ciel que de la terre —

Elle était vieille déjà, elle dit encore : Je rêvais —
Et elle mourut.

p.83-84
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Ils sont revenus, les morts…


Extrait 4

Alors des rangs est sorti un mort,
Ses os cassés étaient raccommodés avec une ficelle,
Sa tête brûlée n'avait plus de cervelle.
Il ouvrit la malle, une vieille malle d'autrefois.
Elle avait fait tant de voyages,
En Russie, en Bohême, en Pologne, en Grèce,
Un vieux bagage,
Plein de poussière, de sang, de boue, de crasse,
Et ils riaient doucement, les morts,
Et le bistrot souleva le couvercle
Elle était belle, elle était nue,
Elle était jeune, elle était pure,
Elle était comme un oiseau,
Comme une fleur nue,
Comme une musique légère,
C'était la Liberté.
Et les morts ont demandé :
Maintenant, frères, qu'est-ce que vous allez faire ?
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LES AMOURS

INTERLUDE DE L'ÉTERNEL VOYAGE


Ulysse, ô subtil voyageur
Errant sur l'océan de ruses,
Sans doute trempais-tu ta voile
Au souffle habile de ta ruse
Quand le vent d'ennui se lassait.

Je vois voguer un grand navire
Que mène la brise des siècles,
Adieu musique, adieu sirènes,
La raison délia les ruses,
La ruse abolit les chansons.

Ulysse est là. Salut, Ulysse !
Dis-moi, que penses-tu du monde ?
N'as-tu pas rencontré les Princes ?
Ô toi qui fais escale aux îles,
Combien de femmes sur la terre ?

On prétend qu'elles ont à faire
Aux Princes du ciel et d'enfer ?
Adieu Ulysse, une autre étoile
Se mire au front du voyageur,
Vogue galère de puissance.

Combien de femmes dans les îles ?
Il n'en est qu'une sur la terre.
L'homme est un roi, vogue vouloir.
Pour assister au mariage
Les Princes suivent dans les airs.

p.76-77
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Grâce à eux, je ne me sentais pas seul dans la recherche du passage mystérieux qu'il faut franchir pour dominer les contradictions internes d'un mouvement de l'esprit.
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PREMIER SOURIRE

Pourquoi parlez-vous d'Ève ? Dit Pandora. Qui est-ce ?
Elle ouvre son sac, en tire ses sourires et ses regards,
L'aube, le jour, la nuit, le crépuscule,
Elle en tire son cœur et son sang,
L'odeur du clair de lune,
La grande faim des loups
Et le petit miroir de l'éternité.
Elle se regarde et dit : Je crois rêver —

Elle est si belle que le ciel étend sur elle l'ombre de ses cils
Et la dérobe à l'amour du nadir comme du zénith.
Légère elle vole au sein d'elle-même,
Et l'Ange des Ténèbres sourit en agitant des palmes.

p.85
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CONNAÎTRE

Alors sept hommes sont venus
Avec les tables de la loi,
Les logarithmes, l'esthétique,
L'anatomie et la grammaire,
La logique et l'astronomie.
Leur grande bouche s'est ouverte
Et les entrailles du savoir
Evaporaient l'ambre et le soufre
Et sur leurs dents blanches et noires
L'enfant appris le jeu de l'orgue.

Il était loin le chant des feuilles,
Muette était l'aile,
Déserte l'odeur des papillons
Sous la suie de l'oubli.

Mais le grand Chambellan des Secrets Surpris
Et le Parfumeur des Momies,
Et le Puisatier des Chimies
Allumèrent une immense bougie.
C'était l'hiver et les cloches sonnaient sur le désert des
caravanes englouties.
Parle, dit le Suprême Bourreau des Insomnies.
Et l'enfant récita une fable :
Je suis,
Tu es,
Il est,
Nous sommes,
Vous êtes,
Ils sont.
Morale :
Être.
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LES AMOURS

POURQUOI CHANTER ?


Qu'avons-nous à chanter, petit oiseau, quand voici la bien-aimée ?
Ah, ce chant dans les buissons, dans les alcôves, à travers le jour, la nuit,
Comme un parfum tenace de chair, de rose, d'encens, d'ombre chaude,
Avec ces éclairs de fraîcheur, d'air marin et de rosée sur l'herbe,
Ces silencieuses attentes, ces murmurants retours,
Ces éclatantes tempêtes au sein de l'extase,
Et toujours ces chutes subites au cœur de l'angoisse, quand nous arrêtant de chanter,
Nous percevions que s'éloigne la dernière note du chant et traînant à sa suite
Le frôlement d'aile du grand vampire, compagnons de toutes les fêtes,
Tour à tour berger des apparences et grand veneur du néant —
Qu'avons-nous à chanter, qu'avons-nous à écouter notre chant,
Et moi, qu'ai-je entre deux concerts à enfourcher l'invisible cheval blanc
Pour visiter dans ce mystérieux espace offert à l'âme errante
Le bord de cet abîme sans fond où rêver d'une insomnie éternelle,
Et toujours au retour du voyage il faut chanter encore,
Ah, pourquoi ce chant qui monte, cette volute envolée,
Et la bien-aimée qui attend, le flanc frémissant, et jusqu'au fond d'elle-même,
Et toujours ce chant et toujours cette attente,
Ah, petit oiseau, cœur ailé, parfait espace de plume,
Si tout nous sépare, toi qui ne nommant pas Dieu est plus près de Dieu
Que moi qui lui ai donné nom et forme et nature,
À mon image de chant et de silence,
Petit oiseau, toi, pourquoi chantes-tu ?

p.96-97
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Des hommes au silence
SE CONFONDRE

De rien, choses, naissez, cruelles apparences,
Néant, vieux magasin, prends ton enseigne visible.

Et toi, bel univers, si vieux, si jeune, ô monde inconnu,
Tu prendras ta place
Dans les draps de mon sang, dans les plis de mes mains,
Sur la paix de mes lèvres,
Je tâcherai de naître à tes apparences,
Je t'interrogerai comme il se doit,
Je t'aimerai pour toi.

Je ne serai rien, je serai tout,
Une herbe, un éphémère, un air,
Bételgeuse, une voix ―

Non, rien,
Le vide, et ta vue.

p.190
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STROPHES DE L'AMOUR


Oui tu cueillais les roses
Où les vertes cétoines
S'enfoncent dans l'ivresse
Au cœur de miel solaire.

Sur toi le rossignol
Epaississait la nuit,
La trouait de mesure
Au nombre des étoiles.

Ta main nouait aux nues
La chevelure éparse
Des palmes et des cèdres
Pour lier le voyage.

A la fourmi terrestre,
A l'éolienne aronde
Tu proposais la voie
Ardente des chimères.

Mais soudain clos les portes,
Tiens ton cœur et les lèvres,
Retire-toi du monde
Au couvent du silence ;

Au dehors se déroule
Le destin des ténèbres.
La rose et la cétoine,
L'oiseau et les étoiles.

La nue et les grands arbres
Voués au cycle noir,
Cruel, aveugle et sourd,
Qu'est-ce sans ton amour ?

Terrible cours sans nom,
Fleuve sans océan,
Face visible et froide
Du manque infigurable.

Toi seul vois l'apparence,
Toi seul fais le langage,
Toi seul as l'espérance,
Toi seul invente Dieu.

Car rien n'est qu'apparence,
Et rien n'est que langage,
Il n'est pas d'espérance,
Ininventable est Dieu.

Et toi, qui serais-tu
Si tu n'avais l'amour ?
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COMMENCEMENTS

ÉCRIT SUR LA MER


Alors, poète, si la rose n’entend pas,
Si le vent et le rossignol n’ont pas d’oreilles,
Si seul au sein des merveilleuses apparences,
Tu n’entends que ton cœur, ne parles qu’à toi-même,
Si le vrai Dieu est trop grand pour ta contenance
Qu’à le nommer déjà tu en fais une idole,
Qu’à le penser tu le peins d’ébène et d’or,
Qu’à le prier tu distends ta propre substance,
Si l’immense innomé, l’indispensable insensible
N’est si près de toi que dans l’absolu silence,
Paradis perdu au verbe de ton essence,
Alors tu n’attends plus rien du jardin des réponses,
Laisse pousser le pavot et le tournesol,
Laisse la parole au perroquet chrysostome
Et les quatre saisons au temps multicolore,
Alors, dresse-toi, poète, et va sur les flots,
Le cœur dans la main et l’amour au vent du large.
Voici que vient vers toi la voix de l’autre rive,
Que déjà se baisent les échos de l’amour,
Que l’inutile rose se fane à l’aurore.
Tandis que s’allument les feux de la conquête,
Tous mirages dehors et pavillons claquants,
Au couteau trace sur l’écorce de la mer
Deux noms entrelacés, et vogue la galère !

p.67-68
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AU POETE

Ne chante pas ainsi, poète, de ta triste voix fêlée,
On dirait le vent de novembre brassant les feuilles
tombées.
Qui écoute ? Chacun s'en va par un chemin de traverse,
Le regard vers soi tourné, l'haleine retenue et les lèvres
durcies,
On sait ce qu'est la vie, c'est le temps des épreuves et
les météores
On rebondi de saison en saison, feu dans la glace et
glace dans le feu
Le soleil lui-même n'était plus qu'une immense tâche
dévorante
Et la hallebarde de l'hiver boréal l'a tranché tandis
qu'un hoquet sans trêve
Secouait les viscères malades des grands volcans
engourdis.
...
Par ce ciel lourd et bas, ce ciel de poussière et de sueur
Où vont les gens en peur.
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Amour va comme le tison qui couve le feu sous la cendre, Brûle le bois et la maison, Ecoutez!... Marcabrun
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Quand le ru de la fontaine…



Quand le ru de la fontaine
S’éclaircit sous le soleil,
Quand vient la fleur églantine,
Qu’un rossignol sur la branche
Répète et toujours polit
Son tendre chant qu’il affine,
Le mien aussi ne dirai-je ?

Amour de terre lointaine,
Tout mon corps a mal de vous,
Du baume ne puis trouver
Qui de vous ne se réclame
Par l’attrait de douce amour,
Au verger, sous la courtine,
Avec la tant désirée.

Si toujours m’en manque l’aide,
Nul prodige en cette flamme,
Jamais plus belle ne fut,
Dien non plus ne le voulut,
Même juive ou sarrazine,
Quelle manne le paya
Qui son amour approcha ?

Les désirs en moi demeurent
Pour la seule qu’au plus j’aime,
Mais quel voleur me dépouille
Si quelqu’autre la dérobe ?
Plus brûlante est que d’épine
La douleur que joie guérit,
Et encore ne m’en veux plaindre

Sans nul bref de parchemin,
Par Filleul j’envoie mes vers
Ecrits pour Hugues Le Brun
En claire langue romane,
Heureux que les Poitevins,
Gens du Berry, de Guyenne
Aient grand’joie jusqu’en Bretagne.


//Jaufre Rudel (1113 – 1170)

/Traduit de l’occitan par Georges Ribemont-Dessaignes
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Une de ses manies était de ne jeter sur sa propre image que des regards vite détournés, non point qu'il eût horreur des miroirs. Il les aimait beaucoup mais à condition de ne pas s'y apercevoir. C'est qu'à le faire il ne se reconnaissait jamais et éprouvait devant son aspect visible une étrange impression vite changée en humiliation.
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Présence de l'absence

Comparaissez, mes hôtes,
Et sortez des ténèbres,
C'est le temps des fantômes,
Des pâtures de l'ombre,
Venez à la lumière
Avec des mains de vie,
Avec des yeux de larmes
Au seuil de la blessure
Qu'a faite au coeur de l'homme
L'originelle épée.
Il y a la brûlure,
Le sel et l'univers,
Venez blêmes figures,
Venez , vapeurs de sang
Par le temps délavées,
Terribles regards vifs
Perçant des formes mortes,
Mes joies et mes remords,
Ma faiblesse et ma force,
Paraissez, mes lambeaux
De chair toute saignante,
Paraissez devant moi,
Aussi devant moi-même,
Tel suis-je ma présence
Me tenant par la main,
Sur le mortel chemin
De la future absence,
Définitive absence.
...
p117-118
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Ils sont revenus, les morts…


Extrait 3

Ils étaient là et demandaient aux morts :
Ah ! Vous voilà - Oui, disaient les morts.
Et qu'est-ce qu'il y a dans votre bagage ?
Un oiseau, dit un mort.
Une fleur, dit un mort.
Une musique, dit un mort.
Mais comme il est lourd votre bagage ?
Et riait le bourreau qui portait une grande potence,
Légère, si légère,
Comme un oiseau,
Comme une fleur,
Comme une musique.
Et le bistrot disait :
Une tournée, encore une tournée, j'offre une tournée,
Une tournée aux morts et à tous les morts,
S'ils ouvrent leur bagage.
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ATTENTE


Extrait 2

Je crie :
À moi, à moi, à moi !
Mais je sais bien que ce n'est qu'un perroquet à l'œil
  vorace,
Car je n'appelle pas, ni moi, ni vous ni personne.
Sous le masque j'ai mis le vide.
Dans le vide j'ai mis les mille lettres de l'alphabet,
Cela fait un beau concert
Bien qu'il n'y ait personne.
Et pourtant j'attends, j'attends,
J'attends le zéro qui ne viendra jamais.
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La poésie est à la fois le résultat de l'isolement et de la révolte. On me dit qu'il y a de beaux cris poétiques qui louent le monde. Mais c'est à première vue. Je pense qu'il ne s'agit là, au contraire, que de cris du cœur prêtant au monde ce que celui-ci lui refuse. Et c'est encore la révolte.
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MOURIR À SON ÂME

Enfin seul, ô bien-aimée, ô sans âme,
J'avais rendez-vous avec toi sur le lit de misère,
Et voici l'instant où moi-même mort à mon âme
J'ai donné le vide asile à sa couleur, à son instance réelle.
Un triste malheureux passe en traînant le pied où pend le fer
De la galère qui chaque nuit accoste les rives de la ville,
Et je crois mourir, oh qu'est-ce, à l'être même,
Je crois mourir de naître à la vue,
Et je me couche en toi, ô bien-aimée, ô sans âme,
Afin de n'être plus vertical, de ne plus quitter par la trop légère,
L'avisée source des valeurs,
De ne plus quitter le sein de l'attrait où se fondra un jour
Ma chair.
Je te vois,
Je t'entends,
Deux amants.
En moi
Tu t'étends.
Je suis question
Mille et trois fois
Et mille et trois
Tu réponds,
Semblable et contraire,
Douce-Amère,
Insolite,
Sans limite,
Irisée,
Cristalline,
Acérée,

Arc en ciel
Arc en miel
Arc en fiel.

Et moi cœur percé
Par tes réalités,
Apparence,
Je suis silence
Empli de flèche
Qui n'est temps
Mais déjà perce
Et lie
Ô rose,
Ô chose,
Toi
Toi
Toi
Toi

Mais qu'Être

p.191-192
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Dada aura peut-être simplement veillé à mettre les points sur les i, et à illustrer au sein de la culture la fin d'une conception intellectuelle, la ruine de l'absolu. Au moins, considérons qu'il faut porter à notre crédit que cette illustration a été pour la pensée bourgeoise une lettre de faire-part de sa décrépitude. Depuis lors elle sait qu'aucune affirmation, aucune construction, aucun espoir ne sont que virtuels, en résidence surveillée, et qu'elle même, elle est condamnée à mort en sursis.
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