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Citations de Georges Perec (869)


Je te voulais pour femme, et je voulais un enfant avec toi. Je n'ai eu ni l'une ni l'autre, et cela fait si longtemps que ça dure que j'ai cessé de me demander si c'est dans la haine ou dans l'amour que nous trouvons la force de continuer cette vie mensongère, que nous puisons l'énergie formidable qui nous permet de souffrir, et d'espérer. [p.524]
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De grands élans les emportaient. Parfois, pendant des heures entières, pendant des journées, une envie frénétique d'être riches, tout de suite, immensément, à jamais, s'emparait d'eux, ne les lâchait plus. C'était un désir fou, maladif, oppressant, qui semblait gouverner le moindre de leurs gestes. La fortune devenait leur opium. Ils s'en grisaient. Ils se livraient sans retenue aux délires de l'imaginaire. Partout où ils allaient, ils n'étaient plus attentifs qu'à l'argent. Ils avaient des cauchemars de millions de joyaux.
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(p. 77)

Tu vis dans une bienheureuse parenthèse, dans un vide plein de promesses et dont tu n'attends rien. Tu es invisible, limpide, transparent. Tu n'existes plus: suite des heures, suite des jours, le passage des saisons, l'écoulement du temps, tu survis sans gaieté et sans tristesse, sans avenir et sans passé, comme ça, simplement, évidemment, comme une goutte d'eau qui perle au robinet d'un poste d'eau sur le palier (...)
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LA BELLE ABSENTE


I

Daphné fit le visage que j'ombre
Plomb figé devenu torche jusqu'
Au don fragile, vasque, jubé, champ,
Blancs qu'âge de jade rompt à vif
Jusqu'au flambant pavot d'or, gâchis
Déjà fléchés : manque. Boive ta page
Humble, grave, l'aspect que je fonde,
Qui défit cet aplomb gravé hors jeu

Champ d'or gravi jusqu'au but final.

p.796
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C'est de cette époque que datent les premières lectures dont je me souvienne. Couché à plat ventre sur mon lit, je dévorais les livres que mon cousin Henri me donnait à lire. (...) Le troisième livre était Vingt ans après, dont mon souvenir exagère à l'excès l'impression qu'il me fit, peut-être parce que c'est le seul de ces trois livres que j'ai relu depuis et qu'il m'arrive encore aujourd'hui de relire : il me semble que je connaissais ce livre par coeur et que j'en avais assimilé tellement de détails que le relire consistait seulement à vérifier qu'ils étaient bien à leur place : les coins de vermeil de la table de Mazarin, la lettre de Porthos restée depuis quinze ans dans la poche d'un vieux justaucorps de d'Artagnan, la tétragone d'Aramis en son couvent, la trousse à outils de Grimaud grâce à laquelle on découvre que les tonneaux ne sont pas pleins de bière mais de poudre, le papier d'Arménie que d'Artagnan fait brûler dans l'oreille de son cheval, la manière dont Porthos, qui a encore un bon poignet (gros, je crois bien, comme une côtelette de mouton), transforme des pincettes de cheminée en tire-bouchon, le livre d'images que regarde le jeune Louis XIV lorsque d'Artagnan vient le chercher pour lui faire quitter Paris, Planchet réfugié chez la logeuse de d'Artagnan et parlant flamand pour faire croire qu'il est son frère, le paysan charriant du bois et indiquant à d'Artagnan, dans un français impeccable, la direction du château de La Fère, l'inflexible haine de Mordaunt demandant à Cromwell le droit de remplacer le bourreau enlevé par les Mousquetaires, et cent autres épisodes, pans entiers de l'histoire ou simples tournures de phrase dont il me semble, non seulement que je les ai toujours connus, mais plus encore, à la limite, qu'ils m'ont presque servi d'histoire : source d'une mémoire inépuisable, d'un ressassement, d'une certitude : les mots étaient à leur place, les livres racontaient des histoires ; on pouvait suivre ; on pouvait relire, et, relisant, retrouver, magnifiée par la certitude qu'on avait de les retrouver, l'impression qu'on avait d'abord éprouvée : ce plaisir ne s'est jamais tari : je lis peu, mais je relis sans cesse, Flaubert et Jules Verne, Roussel et Kafka, Leiris et Queneau ; je relis les livres que j'aime et j'aime les livres que je relis, et chaque fois avec la même jouissance, que je relise vingt pages, trois chapitres ou le livre entier : celle d'une complicité, d'une connivence, ou plus encore, au-delà, celle d'une parenté enfin retrouvée.
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Se souvenir qu'un journal est une unité de surface : c'est la superficie qu'un ouvrier agricole peut labourer en une journée.
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Il a suffit, il a presque suffit, un jour de mai où il faisait trop chaud, de l'inopportune conjonction d'un texte dont tu avais perdu le fil, d'un bol de Nescafé au goût soudain trop amer, et d'une bassine de matière plastique rose remplie d'une eau noirâtre où flottaient six chaussettes, pour que quelque chose se casse, s'altère, se défasse, et qu'apparaisse au grand jour - mais le jour n'est jamais grand dans la chambre de bonne de la rue Saint-Honoré - cette vérité décevante, triste et ridicule comme un bonnet d'âne, lourde comme un dictionnaire Gaffiot: tu n'as pas envie de poursuivre, ni de te défendre, ni d'attaquer.
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Son corps sculptural s'offrait, nu, assoupi, dans l'abandon d'un clair-obscur troublant qui ombrait d'azur son flanc alangui.
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Tu es un oisif, un somnambule, une huître. Les définitions varient selon les heures, selon les jours, mais le sens reste à peu près clair : tu te sens peu fait pour vivre, pour agir, pour façonner ; tu ne veux que durer, tu ne veux que l'attente et l'oubli.
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Je me souviens qu'au "Monopoly", l'avenue de Breteuil est verte, l'avenue Henri-Martin est rouge, et l'avenue Mozart orange.
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[ Incipit ]

Dans l'escalier, 1

Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme ça, d'une manière un peu lourde et lente, dans cet endroit neutre qui est à tous et à personne, où les gens se croisent presque sans se voir, où la vie de l'immeuble se répercute, lointaine et régulière. De ce qui se passe derrière les lourdes portes des appartements, on ne perçoit le plus souvent que ces échos éclatés, ces bribes, ces débris, ces esquisses, ces amorces, ces incidents ou accidents qui se déroulent dans ce que l'on appelle les « parties communes », ces petits bruits feutrés que le tapis de laine rouge passé étouffe, ces embryons de vie communautaire qui s'arrêtent toujours aux paliers. Les habitants d'un même immeuble vivent à quelques centimètres les uns des autres, une simple cloison les sépare, ils se partagent les mêmes espaces répétés le long des étages, ils font les mêmes gestes en même temps, ouvrir le robinet, tirer la chasse d'eau, allumer la lumière, mettre la table, quelques dizaines d'existences simultanées qui se répètent d'étage en étage, et d'immeuble en immeuble, et de rue en rue. Ils se barricadent dans leurs parties privatives - puisque c'est comme ça que ça s'appelle - et ils aimeraient bien que rien n'en sorte, mais si peu qu'ils en laissent sortir, le chien en laisse, l'enfant qui va au pain, le reconduit ou l'éconduit, c'est par l'escalier que ça sort. Car tout ce qui se passe passe par l'escalier, tout ce qui arrive arrive par l'escalier, les lettres, les faire-part, les meubles que les déménageurs apportent ou emportent, le médecin appelé en urgence, le voyageur qui revient d'un long voyage. C'est à cause de cela que l'escalier reste un lieu anonyme, froid, presque hostile. Dans les anciennes maisons, il y avait encore des marches de pierre, des rampes en fer forgé, des sculptures, des torchères, une banquette parfois pour permettre aux gens âgés de se reposer entre deux étages.
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Cinoc, qui avait alors une cinquantaine d'années, exerçait un curieux métier. Comme il le disait lui-même, il était "tueur de mots" : il travaillait à la mise à jour des dictionnaires Larousse. Mais alors que d'autres rédacteurs étaient à la recherche de mots et de sens nouveaux, lui devait, pour leur faire de la place, éliminer tous les mots et tous les sens tombés en désuétude. (p347)
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« Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner. » (p. 16)
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Les "métagrammes", dont un des meilleurs spécialistes est Jacques Bens qui en a fait une forme poétique originale, sont des séries de mots ne différant les uns des autres que par une seule lettre. On peut ainsi passer d'un mot à un autre, changer un mot en un autre, aller d'un mot à un autre, en ne modifiant qu'une lettre à chaque étape.
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Plus de trente ans après la disparition prématurée de l'écrivain, en 1982, la fortune posthume de l’œuvre de Georges Perec semble assurée, dessinant le portrait d'un classique moderne qui réunirait, d'une façon un peu inattendue, les motifs éminemment baudelairiens de l'éternel et de l'éphémère.
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La Campagne

Alternative nostalgique ( et fausse ) :

Ou bien s'enraciner, retrouver, ou façonner ses racines, arracher à l'espace le lieu qui sera vôtre, bâtir, planter, s'approprier, millimètre par millimètre, son " chez soi": être tout entier dans son village, se savoir cévenol, se faire poitevin.

Ou bien n'avoir que ses vêtements sur le dos, ne rien garder, vivre à l'hôtel et en changer de pays; parler, lire indifféremment quatre ou cinq langues; ne se sentir chez soi nulle part, mais bien presque partout.

(Galilée, réédition 2017, p.141 )
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La Ville


Exercices

(...)-Repenser à certaines des propositions faites par les surréalistes pour embellir la ville :

- L'obélisque : l'arrondir et faire poser à son sommet une plume d'acier à sa mesure
- La tour Saint- Jacques : la courber légèrement
- Le lion de Belfort : lui faire ronger un os et le tourner vers l'Ouest
- Le Panthéon : le trancher verticalement et éloigner les deux moitiés de 50 centimètres
(...)

( Galilée, réédition 2017, p.130)
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Lieux
Mai 69
N° 9
Le passage Choiseul1
Réel

Lundi 26 mai2
16 h 10

Recopié 69 boulevard Beauséjour (chez Esther)3
Le 30 mai 1969 à 11 h 30

Arrivée en métro, station Quatre-Septembre, venant du Pont de Levallois (interview à Courbevoie).

Entrée par la rue de Choiseul :

à gauche

La Garopull4 » (fermé)
« Solea » chaussures
à droite

Café Bar
« A. Lecoq » (?)
Photo Ciné « Choiseul Kodak »
Bas Mouchoirs Fourrures « Verne »
à gauche

Parapluies « Marie-Louise »
« Les Bas Mireille »
Pédicure
à droite

Graveur Imprimeur « E. Boisnard »
« Maison fondée en 1825 par Thibous »
à gauche et à droite

« Papeterie du Bon Marché »
à gauche

Papeterie (suite)
à droite

« Parfumerie de Choiseul » Maison Deffau
à droite

« Offset Publicitaire et Commercial »
(Varityper5, IBM)
à gauche

« Au Tissage »
à droite Nos 69-71

Mercerie Rubans
à gauche

Pipes
« Kame Boutique » (tricots)
« Yvette Chaussures »
« Prêt-à-porter Morgane »
« Loisirs Livres » (on n’y voit pas La Disparition en devanture6)
à droite N° 67

« Maroquinerie Soldes Super Remises
Liquidation Totale » « Gaston Bled »
(le magasin est déjà fermé, l’intérieur
est déjà en démolition)
« Bouffes Parisiens » Quatre pièces sur jardin de Barillet [et] Grédy
N° 59

Parfumerie « Patricia »
Horloger bijoutier
55 « Pique-Puces » (vêtements) « Soldes »
gauche

Chapeaux (sans nom sur la façade)
58 « G. Bausat » « Ville et Sport » (tailleur)« Cl. Lavrut » « Dessin Matériel de Bureau »
(petit passage – passage Sainte-Anne – vers la BN)

droite

« Barlett Chaussures » (quatre boutiques)
gauche

50 « Mini Boutique » (vêtements)
48 Chaussures « Mireille »
46 Horlogerie Bijouterie « Demollières »
« La Gorgerette » (lingerie)
droite

Sortie
« Talon Minute »
39-41 « À la Confiance » « Nouveautés Utiles »
(surtout des cristaux)
35-37 « Cactus Bazar7 »
33 Circulaires Photocopies
gauche

38-40-42 « Catherine Harley8 » (3 boutiques dont une d’annexion toute récente)


36-34 « Le Jeune De Bridiers Successeurs » Jouets Mercerie


32 « Ridivoile » (Rideaux)


30-28 « Cover Girl Bazar »


26 « Pingouin Stemm » (lainages)
à droite

23 à 31 Boutiques à louer cinq arcades peintes en vert ; aux murs du papier imitant la pierre de taille ou la meulière
(ex. librairie « Lemerre »9)


21 Optique


19 « Éric Conseil » (immobilier)
à gauche

24 « Opéra Linge » (chemisier)


22-20 « Laure Lingerie »


12 à 18 « Barlett Chaussures »


10-8 « La Chemise de France »
à droite

15-17 « Groupement des Amateurs de
Théâtre Timy » (agence)


13 « Detreze Maroquinier » « Bail à céder
Soldes »


11 « Vitos » (lingerie)


7 et 9 en installation
5
3 } café
le 5 est en train d’être repeint en rouge bordeaux
1
à gauche

6 Gardien du passage
(remaillage ?)


4-2 « Madeleine Desfontaines Modiste »
Fin à 16 h 45
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J'aimerais qu'il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources.
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L'on dîna donc. Collation où tout fut frugal, car, quoi-qu'ayant faim, chacun avait un trop grand chagrin pour, sans attrition, s'offrir l'ingurgitation d'un gloutonnant gala. On grignotait, on pignochait sans plaisir. La Squaw disait pourtant :

    - Nonobstant la mort d'Olga, goûtons sans timoration au gorgonzola sans rival qu'Augustus adorait tant qu'il m'a fallu parfois sortir la nuit jusqu'au marchand du coin pour rassortir la provision qui tirait à sa fin.

   Mais on n'y touchait pas, au gorgonzola, pas plus qu'au gigot froid ou qu'aux chaussons farcis à la Chantilly.

   Arthur Wilburg Savorgnan souffrait d'un fort migrain. On lui fit un bol d'infusion, puis on lui donna un Salgidal, quoiqu'il ait voulu un Optalidon. Il s'alita un instant, s'isolant dans un boudoir, disant qu'il allait dormir un brin...

   Amaury sortit. La nuit scintillait. Il faisait bon, pas trop chaud, pas trop froid. Il alluma un Trabuco au goût parfait qu'il avait pris dans un tiroir du fumoir d'Augustus. Il fit un tour du grand parc, humant la nuit dont l'air si pur donnait à son habana un subtil parfum d'opopanax.

   Qui aurait cru, disait-il dans son for, qu'il pouvait y avoir sous un climat si souriant, dans un jardin où tout concourt à la paix, tant d'assassinats ? Qui aurait cru voir surgir la Mort dans un Paradis où tout paraît si doux ?...
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