Citations de Friedrich Hölderlin (234)
Ne faire qu'un avec toutes choses vivantes, retourner, par un radieux oubli de soi, dans le Tout de la Nature, tel est le plus haut degré de la pensée et de la joie, la cime sacrée, le lieu du calme éternel.
L’homme est un Dieu quand il rêve et un mendiant quand il réfléchit.
Là où croît le danger croît aussi ce qui sauve.
Nous cheminons vers le sens dans la mesure où nous habitons en poète sur la terre.
Cité dans La poésie sauvera le monde, de Jean-Pierre Siméon
“Le Printemps
Quand des profondeurs vient le printemps dans la vie,
L’homme s’étonne, puis des mots nouveaux se poussent,
Émanant de l’esprit, la joie revient alors,
les chants et les chansons s’apprêtent à la fête.”
Quiconque a eu, comme toi, l'âme tout entière meurtrie ne peut plus trouver le repos dans les joies particulières ; quiconque a senti comme toi la fadeur du Néant ne peut se rasséréner qu'aux plus hauts degrés de l'esprit, quiconque a fait comme toi l'expérience de la mort ne peut guérir qu'entre les dieux.
Vous déshonorez, vous démolissez, partout où elle vous tolère, la patiente nature, et cependant elle continue de vivre d'une éternelle jeunesse et vous ne parvenez pas à repousser son automne et son printemps, et son éther, vous ne le corrompez pas.
Ah, faut-il qu'elle soit divine, pour que vous puissiez détruire sans que cependant elle vieillisse, ni que le beau cesse, malgré vous, d'exister !
Mais les poètes seuls fondent ce qui demeure.
Que sont toutes les actions et les pensées des hommes durant des siècles contre un seul instant de l'amour ?
Le premier enfant de la beauté, le premier enfant de la beauté humaine, de la beauté divine, c’est l’art. En lui l’homme divin se rajeunit et se renouvelle. L’homme veut avoir conscience de lui-même; alors il donne à sa propre beauté une existence en dehors de lui. C’est ainsi que l’homme a créé ses dieux. Car, dans l’origine, l’homme et ses dieux ne faisaient qu’un; l’éternelle beauté, inconnue à elle-même, existait seule. – Ce que je dis est un mystère, mais ce mystère est une réalité.
Ecris-moi bientôt sans faute. J'ai besoin de tes pures sonorités. La naissance de la pensée dans la conversation et la correspondance est nécessaire aux artistes.
(Extrait de correspondance avec C. Böhlendorff, 1802)
Le cimetière
Silencieux endroit qui verdoies de jeune herbe
Où dorment homme et femme, où les croix sont debout,
Où du dehors conduits arrivent les amis,
Où brillantes d'un verre clair sont les fenêtres.
Lorsque brille sur toi la lueur du haut ciel
De midi, quand le printemps souvent y demeure,
Quand un immatériel nuage là, gris et humide,
Et doucement le jour avec beauté s'enfuit !
Quel silence n'est pas sur la grise muraille
Par-dessus quoi un arbre pend avec ses fruits ;
Avec un noir mouillé de rosée, feuillage de deuil,
Les fruits pourtant sont joliment pressés.
Mais là où il y a danger, là aussi
Croît ce qui sauve
L'intellect pur n'a jamais rien produit d'intelligent, ni la raison pure rien de raisonnable.
Nous ne sommes rien ; ce que nous cherchons, est tout. [...]
D'autres fois encore, regardant la mer, je crois revoir ma vie, son flux et son reflux, ses bonheurs et ses deuils, et entendre dans mon passé une musique dont les voix parcourraient tous les tons et soumettraient à quelque ordre caché leur succession de conflits et d'accords.
Aujourd'hui, de mes hauteurs, le pays est plus beau que jamais. Deux généreuses journées de pluie ont rafraichi les airs et la terre découragée.
Au vulgaire plaît ce qu'au marché vaut.
Les peuples somnolaient...
la chance a voulu qu’ils ne s’endormissent point.
Un signe, tels nous sommes, et de sens nul,
Morts à toute souffrance, et nous avons presque
Perdu notre langage en pays étranger.
Car lorsqu'un débat règne au ciel
A propos des humains et que les lunes
Vont leurs cours, imposantes, la mer
Elle aussi parle et les fleuves doivent
Se chercher une voie.
Mnemosyne
La sociabilité des citadins m'attirait. L'absurdité qui régnait dans leurs moeurs m'amusait comme une farce enfantine, et dès lors que par nature j'étais bien au-delà de toutes les formes et conventions particulières en vigueur, je me jouais de toutes, les endossais et les ôtais tour à tour comme des habits de carnaval.
Ne faire qu'un avec tout ce qui vit, plonger dans la félicité de l'oubli de soi en revenant dans le Tout de la nature, voilà l'ultime sommet des pensées et des joies, la cime sacrée, le lieu de l'éternelle quiétude, où se dissipe la lourde chaleur de midi, où la voix du tonnerre se tait, où la mer bouillonnante s'apaise et se fait aussi ondoyante qu'un champ de blé.