Pour commencer, je remercie les Éditions Albin Michel et Mass Critique de Babelio pour l’envoi de ce livre. Cet essai philosophique se lit avec beaucoup d’intérêt et se révèle sous bien des aspects passionnant. Pour étayer son propos, l’auteur décortique, analyse différents travaux d’autres penseurs et prend aussi des exemples dans les grandes figures de l’obéissance et de la désobéissance qui ont jalonné les siècles. C’est intelligent, instructif. Frédéric Gros fait appel à Michel Foucault, Hannah Arendt, La Boétie, Socrate et beaucoup d’autres….
Il part du constat que ce monde va mal, que les inégalités se creusent, que l’environnement se dégrade et qu’un nouveau capitalisme sclérose la société. Il est temps de créer une démocratie critique. Il est temps que l’individu trouve un soi politique.
Dans un va-et-vient perpétuel, Frédéric Gros abordera l’obéissance et la désobéissance, l’un n’allant pas sans l’autre, l’un justifiant l’autre. L’esclave obéit aux ordres du système, parfois, aux injonctions d’un seul homme quand bien même il serait tyran. L’obéissance fait partie de la foi chrétienne dans le sens où elle sert l’humilité, la sujétion voire l’abnégation.
Antigone est à la fois un emblème de la désobéissance, désobéissance à Créon mais aussi de l’obéissance à un ordre plus profond celui de la famille. La fille d’Œdipe aura la volonté d’enterrer coûte que coûte son frère. Elle fera face aux hommes, féministe avant l’heure.
L’auteur développe aussi ce que Hannah Arendt nomme « La bêtise d’Eichmann », cette volonté de surobéir qui fera de cet individu, celui qui ne veut pas savoir, qui entretiendra la monstrueuse banalité du Mal.
Thoreau, refuse de payer ses impôts, refuse d’obéir à la règle commune. C’est l’exigence d’une conscience qui le porte, la conception d’un « moi indélégable ». La dissidence civique, l’objection de conscience participent de ce moi qui décide. Cette notion de « moi indélégable » va soutendre toute la fin de l’essai de Frédéric Gross. Car désobéir devient un acte responsable, éthique, une recherche de soi. La pensée philosophique, comme la volonté perpétuelle d’atteindre la vérité, nous mène vers la désobéissance.
Ma lecture est sans doute partielle, car ce livre est loin d’être superficiel. Il demande analyse, il bouscule, sûrement, dans nos à priori si faciles. En tout cas, il m’a amené plusieurs réflexions sur notre société et c’est peut-être l’un de ses objectifs.
À l’heure où on voit la faillite des grandes idéologies, communisme, socialisme, la démocratie semble en péril. Même le capitalisme effréné ne peut satisfaire qu’une poignée d’individus nantis. La désobéissance civique ne se remarque-t-elle pas dans ces formidables taux d’abstention aux différentes élections ? L’économie est devenue le fer de lance du politique. Tout se joue à coût d’indices de croissance, de taux de chômage et autres signes économiques qui nous enferment dans notre impuissance. On voit surgir quelques mouvements sporadiques de résistances, Nuits Debouts, ZAD et autres partis que certains considèrent comme populistes, mais pour la plupart, nous acceptons un État conduit par des élites qui sont sensées nous représenter. Aujourd’hui, si on parle d’une révolution, c’est celle du numérique. Dans cette société hyperconnectée, le tweet résume souvent une pensée politique, la communication se fait par écran interposé sans analyse, avec son cortège de frustrations et de mensonges. Un retour sur soi n’est-il pas salutaire, voire nécessaire ?
Vivre un soi politique qui serait avant tout une quête de sens individuelle, une remise en cause personnelle pour bien sûr envisager le collectif. Ne pas avoir peur de sa liberté, refuser son obéissance, penser sa désobéissance. Cela demande, avant tout, un travail sur soi. Ainsi ce mouvement participe à l’autre et de l’autre et il entre dans une dynamique collective.
Dans ce monde et pour ce monde, nous avons besoin d’espérance. Cette espérance nous la puiserons en nous-mêmes. Elle déterminera notre résistance, nos désobéissances et peut-être de nouveaux horizons politiques.
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