Un jour que je me trouvais libre, je galopai jusqu'à Indépendance. La ville était remplie de monde. Quantité de boutiques avaient surgi pour fournir aux émigrants et aux marchandes de Santa Fe ce dont ils avaient besoin pour la route.
Il me fallut suivre longtemps la piste des bisons avant de voir, de la crête d'une dune, la surface pâle de la Platte scintillant au millieur de la vallée déserte et au-delà, la vague ligne des collines se détachant sur le ciel.
Tous les émigrants ne sont pas de cette trempe et il y a parmi eux quelques-uns des êtres les plus déchus de tout le pays. Je me suis souvent demandé les motifs qui les ont poussés à émigrer
Parmi les populations algonquines les plus considérables, malgré les épidémies périodiques qui les enlevaient par milliers, étaient celles de la Nouvelle-Angleterre, telles que les Mohicans, les Pequots, Narrangansets, Massachussets et Ponacooks, tous objets d'effroi et d'inquiétude pour les Puritains du Nouveau Monde. Pourtant, ces peuplades étaient, au demeurant, de favorables échantillons de la race algonquine, car elles appartenaient à la fraction de ceux qui, cultivant le sol, étaient en quelque sorte exempts des extrémités de famine endurées souvent par l'Indien chasseur ou errant.
Cinq bataillons de France, presque toutes les troupes de la colonie, et les milices de toutes les parties du Canada envahirent Québec, avec un millier ou plus de sauvages qui, à l'appel de Vaudreuil, apportaient leurs couteaux à scalper au service de la défense. Telle fut l'ardeur populaire qu'on vit dans le camp des enfants de 15 ans aux côtés d'octogénaires. Ordre fut donné d'évacuer l'Ile aux Coudres et l'Ile d'Orléans, et l'on s'attroupait sur les sommets de Québec pour guetter d'heure en heure l'arrivée de la flotte.
C'est au milieu de ces préparatifs que Bougainville arriva de France avec la nouvelle qu'une grosse flotte était en route pour attaquer Québec. La ville fut surprise et consternée, car les Canadiens s'étaient faits à l'idée que les dangers de la navigation du Saint-Laurent dissuaderaient l'ennemi d'une pareille entreprise.